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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 29.1884

DOI issue:
Nr. 5
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Fourcaud, Louis de: Le salon de 1884, 1
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https://doi.org/10.11588/diglit.24585#0406

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3B8

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

avec les philosophes du jour. C’est l’ère du parvenu qui s’annonce. Une
bourgeoise, Mme Geoffrin, réunit tout Paris dans son salon et se fait
accueillir en princesse par les grands seigneurs de Pologne et de Russie,
durant un voyage qu’elle fait. Du clos, Diderot, Rousseau, Marmontel et
vingt autres des mieux réputés sont des bourgeois. Voltaire lui-même
n’est gentilhomme que par un vernis d’emprunt. Avec Rousseau, l’huma-
nitarisme et le naturalisme sentimental ont commencé. On n’étudie pas
encore le peuple, mais on déclame à tout propos sur l’homme et l’on
ne pense qu’au bourgeois. La Chaussée et Diderot jettent les fondements
d’un drame bourgeois. Marivaux choisit, pour personnages de roman,
une marchande, un cocher, et même — ce qui est plus significatif — un
« paysan parvenu ».

Le Sage et Beaumarchais créent Gil-Blas et Figaro, ces deux figures
du tiers état, qui n’est rien et qui, déjà, veut être tout. La peinture se
plaît aux intérieurs bourgeois, aux scènes bourgeoises, en même temps
qu’aux galanteries allégoriques. Aucun peintre n’aborde le populaire en
face, mais Greuze et son école peignent, pour le bourgeois, des anecdotes
de misère sentimentale, du genre de la Pauvre famille. Du paysan, de
Partisan, il n’en est guère plus question que sous Louis XIV. Les portraits
nouveaux sont moins austères ou moins majestueux ; les physionomies y
paraissent plus ouvertes et plus raisonneuses. Tout ce monde est léger,
au fond : il jongle avec le sérieux, il attise gaiement un feu de joie qui
va tourner à l’incendie. Mais, soudain, le peuple essaye sa force en brû-
lant des châteaux ; la Révolution a des jacqueries pour prélude. Le culti-
vateur, l’ouvrier ne sont plus de simples instruments ; ils ont senti leur
puissance. Un gouffre s’est creusé, peu à peu, sous la bourgeoisie ; elle
s’y effondre tragiquement.

Il n’importe ! Nous constatons, en dépit de l’école du trumeau, un
grand effort du xvme siècle pour s’affranchir du joug de la Renaissance.
On cite bien, sous Louis XIV, un groupe d’architectes, férus de l’art
grec et demandant, avec le surintendant Caylus, que Versailles soit dé-
moli et reconstruit à l’antique, mais le branle est donné au mouvement
naturaliste et il ne dépend de qui que ce soit de le faire avorter. Chardin,
La Tour, Watteau, ces hauts artistes, Greuze lui-même et les petits
maîtres du crayon ont contribué à rouvrir la veine française. Houdon et
Clodion nous ont, certes, donné mieux, en sculpture, que de l’italien.
Encore une évolution et nous aurons reconquis toute la liberté des vieux
gothiques.
 
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