GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
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sentôe au roi dans une coupe d’or, en soixante exemplaires. Ce qui n’em-
pêche pas que, sauf la Bibliothèque nationale, aucun établissement ne la
possède aujourd’hui. Quant au genre adopté, il participe du système
italien par le choix des types et de la vieille manière française par le peu
de relief. Sur le droit est figuré l’image de Louis XII en buste, vu de
profil, coiffé d’une sorte de toque assez semblable à un bonnet carré,
tandis que le revers offre un porc-épic sous une couronne, avec la devise:
Victor, triumphator, semper Augustus. L’exécution est fine, soignée, et,
chose bonne à signaler, c’est la première fois qu’une pièce ainsi des-
tinée à commémorer un événement ait été frappée à l’instar des monnaies
au lieu d’être fondue suivant le procédé universellement employé. Pour
la gravure du coin et du trousseau, ajoutons que l’on eut recours à un
habile orfèvre, Jehan Chapillon, qui « forgea » lui-même tous les exem-
plaires indiqués1.
Au moment où Louis XII faisait son voyage en Touraine, Colombe
devait avoir près de soixante-dix ans. Il semblerait donc que sa carrière
fût terminée. Cependant nous le voyons, au contraire, à partir de cette
date, redoubler d’activité et, pour commencer, s’engager avec la reine
Anne au sujet du magnifique tombeau que cette princesse voulait faire
élever à son père, le duc François IL Car, ainsi que nous l’apprenons par
une lettre de Jean Perréal2, les travaux durèrent cinq ans et, comme ils
étaient terminés en 1507, c’est donc bien en 1502 que leur point de
départ doit être fixé. Et, à ce propos, il est peut-être bon de faire remar-
quer la coïncidence qui existe entre le voyage dont nous avons parlé et
la commande d’une œuvre aussi extraordinaire. Certes, la reine qui des-
cendait souvent la Loire en se rendant en Bretagne, n’était pas sans con-
naître l’atelier de la rue des Filles-Dieu, mais elle n’avait probablement
jamais pu juger par elle-même du talent de Michel Colombe. Aussi
depuis longues années3 son esprit était-il hésitant et ne savait-elle à qui
confier l’exécution de ses projets. Pour prendre un parti et se décider à
quelque chose, besoin était, en définitive, qu’elle vît de ses yeux les mer-
veilles possédées par la ville de Tours. Quelques minutes passées devant
le retable de Saint-Saturnin firent plus, croyons-nous, que tout ce qu’on
avait pu raconter jusqu’alors.
Le tombeau de François II, vulgairement connu sous le nom de tom-
beau des Carmes, parce que, durant trois siècles, il fut le plus bel orne- 4
4. Documents pour servir à l’histoire des arts en Touraine, 4 870, p. 297.
2. Benjamin Fillon, Documents, etc., p. 10.
3. Le père de la reine Anne était mort en 1488.
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sentôe au roi dans une coupe d’or, en soixante exemplaires. Ce qui n’em-
pêche pas que, sauf la Bibliothèque nationale, aucun établissement ne la
possède aujourd’hui. Quant au genre adopté, il participe du système
italien par le choix des types et de la vieille manière française par le peu
de relief. Sur le droit est figuré l’image de Louis XII en buste, vu de
profil, coiffé d’une sorte de toque assez semblable à un bonnet carré,
tandis que le revers offre un porc-épic sous une couronne, avec la devise:
Victor, triumphator, semper Augustus. L’exécution est fine, soignée, et,
chose bonne à signaler, c’est la première fois qu’une pièce ainsi des-
tinée à commémorer un événement ait été frappée à l’instar des monnaies
au lieu d’être fondue suivant le procédé universellement employé. Pour
la gravure du coin et du trousseau, ajoutons que l’on eut recours à un
habile orfèvre, Jehan Chapillon, qui « forgea » lui-même tous les exem-
plaires indiqués1.
Au moment où Louis XII faisait son voyage en Touraine, Colombe
devait avoir près de soixante-dix ans. Il semblerait donc que sa carrière
fût terminée. Cependant nous le voyons, au contraire, à partir de cette
date, redoubler d’activité et, pour commencer, s’engager avec la reine
Anne au sujet du magnifique tombeau que cette princesse voulait faire
élever à son père, le duc François IL Car, ainsi que nous l’apprenons par
une lettre de Jean Perréal2, les travaux durèrent cinq ans et, comme ils
étaient terminés en 1507, c’est donc bien en 1502 que leur point de
départ doit être fixé. Et, à ce propos, il est peut-être bon de faire remar-
quer la coïncidence qui existe entre le voyage dont nous avons parlé et
la commande d’une œuvre aussi extraordinaire. Certes, la reine qui des-
cendait souvent la Loire en se rendant en Bretagne, n’était pas sans con-
naître l’atelier de la rue des Filles-Dieu, mais elle n’avait probablement
jamais pu juger par elle-même du talent de Michel Colombe. Aussi
depuis longues années3 son esprit était-il hésitant et ne savait-elle à qui
confier l’exécution de ses projets. Pour prendre un parti et se décider à
quelque chose, besoin était, en définitive, qu’elle vît de ses yeux les mer-
veilles possédées par la ville de Tours. Quelques minutes passées devant
le retable de Saint-Saturnin firent plus, croyons-nous, que tout ce qu’on
avait pu raconter jusqu’alors.
Le tombeau de François II, vulgairement connu sous le nom de tom-
beau des Carmes, parce que, durant trois siècles, il fut le plus bel orne- 4
4. Documents pour servir à l’histoire des arts en Touraine, 4 870, p. 297.
2. Benjamin Fillon, Documents, etc., p. 10.
3. Le père de la reine Anne était mort en 1488.