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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 29.1884

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Nr. 6
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Fourcaud, Louis de: Le salon de 1884, 2
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https://doi.org/10.11588/diglit.24585#0504

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

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Son regard est tranquille et d’aplomb; elle cache ses mains sous son
manteau. L’œuvre se résume en une tête modelée avec des gris argentés
et des tons francs, portant sur une silhouette de corps ; mais c’est tout le
portrait physique et moral d’une fille fière, réservée, décidée, sans
reproche, et c’est grandement beau.

Si quelqu’un doute encore que l’humble vérité soutienne mieux l’ar-
tiste et lui inspire de plus belles œuvres que l’imagination, je lui recom-
mande le tableau de M. Alfred Leroy « Mardochée » et le portrait de
bourgeoise âgée qu’il expose. M. Leroy a, certainement, beaucoup de
talent et de conscience : Or qu’arrive-t-il? Son tableau, qui n’est qu’une
restitution archéologique étrangère à toute émotion, esta peu près sans
intérêt, tandis que son portrait, étudié avec amour, serré au dernier
degré, saisit les yeux et l’esprit à la fois. Le modèle est profilé sur un
fond de papier de tenture gris clair, vêtu d’un peignoir d’indienne lâche
et bouffant sur la poitrine, assis dans un fauteuil recouvert d’une housse
de coutil rayé. Je défie que l’on soit plus sincère et d’une meilleure foi
devant la nature. Rien n’est esquivé ni dissimulé en ce profil de femme
âgée, non ravagée. Ce dessin minutieux et acharné me réjouit ; toutes les
fois que j’aperçois de telles recherches, il faut, bon gré mal gré, que je
m’arrête longuement. Ainsi, en me promenant dans une des galeries du
pourtour de l’exposition, mes yeux sont tombés sur une tête de vieillard,
étude dessinée à la sanguine et à la plume par M. Marc Aurèle avec une
volonté affirmée de préciser la forme autant qu’Holbein ou François
Clouet : je ne puis dire quel plaisir j’ai trouvé à regarder ce croquis.
Mais dans le portrait de M. Leroy il sied, par surcroît, de louer la souple
facture et la couleur claire. Harmoniser le gris plombé ramagé de blanc
dn papier de tapisserie, le gris rayé de bleu du peignoir et le gris de la
housse du fauteuil; rendre sans monotonie les étoffes flasques on empe-
sées ; exprimer sans bourgeoisisme cette bourgeoisie : autant de difficultés
que l’auteur a surmontées heureusement. Et remarquez à quel point le
sens de ce portrait se dégage : la coiffure en tortillons roulés formant
chignon, le peignoir acheté au magasin de confection et ajusté au petit
bonheur, les traits secs et sérieux, les mains nerveuses, l’attitude modeste
trahissent l’absence de coquetterie, l’amour du chez soi, l’attachement à
ses devoirs. La housse sur le meuble, c’est l’esprit d économie. Le moin-
dre détail a une signification. Ce portrait d’une petite bourgeoise de
petite aisance est, à mon avis, l’une des œuvres d’art très saillantes de ce
Salon.

Les avis se partagent et l’on se passionne au sujet du grand portrait
en pied de Mme G... par M. John Sargent. L’un crie à la bravade, à cause
 
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