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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
trouver l’occasion de le faire connaître, de le préciser. De là à
le voir accepter il n’y avait qu’un pas. La raison en est bien simple.
Entre Le Brun, dont l’ambition se donne large carrière, et
Louis XIV et Colbert, avides d’ordre et de réglementation, appliqués
à grouper les forces du royaume, il y eut entente tacite et préalable.
En d’autres termes, par une coïncidence singulière, la pensée qui
assiège le peintre et celle alors dominante d’un grand ministre et d’un
grand roi s’accordaient d’avance, exactement. L’avènement de Colbert,
la résolution qu’avait prise Louis XIV de régner trouvaient l’artiste
prêt. Louis XIV joignait à la soif de la gloire le goût des délasse-
ments nobles et des plaisirs de l’intelligence; Colbert saisissait avec
passion tout ce qui pouvait accroître la prospérité de l’Etat; l’un et
l’autre, lors du séjour à Vaux, avaient été frappés du génie universel
de Le Brun, de son activité prodigieuse, de la suite de ses idées; à
l’ample programme dont le peintre fit ressortir d’abondance les
séductions et les promesses, qu’ils étaient instinctivement portés à
favoriser, ils ne manquèrent pas de reconnaître la trempe d’un
organisateur de premier ordre, l’autorité d’un esprit vaste, pratique
et sûr. En devinant l'homme qu’il était, ils comprirent quel instru-
ment il serait à leurs desseins. Le Brun venait à point. Il mérita de
réussir parce qu’il fut à la hauteur de sa fortune. Le fait est que, devenu
le régulateur de toutes les formes de l’art, il dota les industries voi
sines de l’art d’un style foncièrement français, fait de ses préférences,
de son esthétique, de son goût, qui persiste dans le monde sous le
vocable du souverain qui en facilità l’éclosion. A l'insigne confiance
du roi, l’artiste répondit en créant le style Louis XIV.
Dire ce style égal à celui du siècle précédent serait une exagéra-
tion insoutenable. Ecartons une telle comparaison. Il a de la puis-
sance et de l’éclat assurément; mais cet éclat, cette puissance sont
exacts et finis, et il n’est pas impossible d’en mesurer les limites.
Il n’exprime point les recherches intimes et exquises, ni toutes
les grâces de l’art des Médicis et des Valois. Il en reflète quelques-
unes seulement. De ses contours moins élancés, de ses agencements
moins déliés et d’une moindre finesse, se dégagent, cependant, bien
des inventions ingénieuses, des fantaisies souvent aimables; son aspect
de grandeur et de force, qui suffirait à légitimer sa vogue, ne va pas
sans sourires, et ses perfections manuelles sont de celles qui resteront
toujours des modèles. Il a outré dans l’ornenientisme l’emploi de la
figure humaine, dont il fait trop obstinément le motif saillant du
décor; il a beaucoup abusé des jeux de l’allégorie et des divinités delà
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
trouver l’occasion de le faire connaître, de le préciser. De là à
le voir accepter il n’y avait qu’un pas. La raison en est bien simple.
Entre Le Brun, dont l’ambition se donne large carrière, et
Louis XIV et Colbert, avides d’ordre et de réglementation, appliqués
à grouper les forces du royaume, il y eut entente tacite et préalable.
En d’autres termes, par une coïncidence singulière, la pensée qui
assiège le peintre et celle alors dominante d’un grand ministre et d’un
grand roi s’accordaient d’avance, exactement. L’avènement de Colbert,
la résolution qu’avait prise Louis XIV de régner trouvaient l’artiste
prêt. Louis XIV joignait à la soif de la gloire le goût des délasse-
ments nobles et des plaisirs de l’intelligence; Colbert saisissait avec
passion tout ce qui pouvait accroître la prospérité de l’Etat; l’un et
l’autre, lors du séjour à Vaux, avaient été frappés du génie universel
de Le Brun, de son activité prodigieuse, de la suite de ses idées; à
l’ample programme dont le peintre fit ressortir d’abondance les
séductions et les promesses, qu’ils étaient instinctivement portés à
favoriser, ils ne manquèrent pas de reconnaître la trempe d’un
organisateur de premier ordre, l’autorité d’un esprit vaste, pratique
et sûr. En devinant l'homme qu’il était, ils comprirent quel instru-
ment il serait à leurs desseins. Le Brun venait à point. Il mérita de
réussir parce qu’il fut à la hauteur de sa fortune. Le fait est que, devenu
le régulateur de toutes les formes de l’art, il dota les industries voi
sines de l’art d’un style foncièrement français, fait de ses préférences,
de son esthétique, de son goût, qui persiste dans le monde sous le
vocable du souverain qui en facilità l’éclosion. A l'insigne confiance
du roi, l’artiste répondit en créant le style Louis XIV.
Dire ce style égal à celui du siècle précédent serait une exagéra-
tion insoutenable. Ecartons une telle comparaison. Il a de la puis-
sance et de l’éclat assurément; mais cet éclat, cette puissance sont
exacts et finis, et il n’est pas impossible d’en mesurer les limites.
Il n’exprime point les recherches intimes et exquises, ni toutes
les grâces de l’art des Médicis et des Valois. Il en reflète quelques-
unes seulement. De ses contours moins élancés, de ses agencements
moins déliés et d’une moindre finesse, se dégagent, cependant, bien
des inventions ingénieuses, des fantaisies souvent aimables; son aspect
de grandeur et de force, qui suffirait à légitimer sa vogue, ne va pas
sans sourires, et ses perfections manuelles sont de celles qui resteront
toujours des modèles. Il a outré dans l’ornenientisme l’emploi de la
figure humaine, dont il fait trop obstinément le motif saillant du
décor; il a beaucoup abusé des jeux de l’allégorie et des divinités delà