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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
grand avantage et découvre l’intimité de son talent. Il faut regretter
l’exil de ces charmants hauts-reliefs où nymphes et génies s’ébattent
si joyeusement; le statuaire les a pétris dans la chaleur de l’impro-
visation, comme en se jouant, et il y a mis, à son insu, le meilleur,
le plus vif de son génie. A M. Frémiet encore l’école débilitée
pourrait demander des conseils propices, de salutaires remèdes; elle
apprendrait de lui qu’une prééminence s’acquiert surtout par l’ori-
ginalité, et elle puiserait dans l’étude de cette maîtrise si variée,
parfois si fougueuse, l’incitation à secouer la léthargie, le moyen de
conjurer l’ataxie et l’ankylose. La commande d’une décoration pour
le Muséum a ramené M. Frémiet vers ses sujets de prédilection et il
s’est pris à combiner
Les charmes de l’horrenr n'enivrent que les forts
une scène d’épouvantable carnage, le pantelant duel des orangs-
outangs avec les sauvages de Bornéo; je passe condamnation sur
l’erreur qui a fait teinter d’écarlate les viscères du singe pendants
comme les entrailles de la monture éventrée d’un picador; le bronze
définitif ne portera pas trace de cette extravagance, et seule subsistera
l’impression causée par l’abominable tuerie, impression dénuée
d’aménité, j’en conviens, mais saisissante, opprimante.
M. Frémiet a pris rang de chef parmi les modeleurs qui s’emploient
à caractériser, dans l’humilité ou l’arrogance de leurs allures, les
tranquilles animaux du foyer ou de la ferme et les fauves héroïques,
déjà tant aimés du romantisme ; un trait est commun à ces artistes.:
tous, MM. Gardet, Péter, Cordier, Fouques, S. Lami, M“e Cazin
s’imposent de proportionner l’échelle de leurs ouvrages aux dimen-
sions de nos demeures, et c’est de quoi il faut les féliciter grande-
ment. Si peu tiennent compte aujourd’hui des exigences de la desti-
nation! M. Dampt a été des premiers à réagir contre l’appétit de
gloriole qui entraîne les sculpteurs à viser au monumental et à s’y
complaire exclusivement ; alors que le Prix Piot n’avait pas encore
mis en faveur la portraiture de l’enfance, M. Dampt a dit les visages
troués de fossettes où s’épanouit le sourire, les mines assombries par
les moues passagères; il a taillé dans le bois et dans l’ivoire, dans
l’ivoire et dans l’acier, tantôt une junévile effigie, tantôt l’inoubliable
Fée Mélusine, sans profaner sa science infaillible, sans en user jamais
qu’à la requête d'une imagination attendrie, éprise de poésie et de
rêve. La volonté de signification morale n’est pas moins certaine chez
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
grand avantage et découvre l’intimité de son talent. Il faut regretter
l’exil de ces charmants hauts-reliefs où nymphes et génies s’ébattent
si joyeusement; le statuaire les a pétris dans la chaleur de l’impro-
visation, comme en se jouant, et il y a mis, à son insu, le meilleur,
le plus vif de son génie. A M. Frémiet encore l’école débilitée
pourrait demander des conseils propices, de salutaires remèdes; elle
apprendrait de lui qu’une prééminence s’acquiert surtout par l’ori-
ginalité, et elle puiserait dans l’étude de cette maîtrise si variée,
parfois si fougueuse, l’incitation à secouer la léthargie, le moyen de
conjurer l’ataxie et l’ankylose. La commande d’une décoration pour
le Muséum a ramené M. Frémiet vers ses sujets de prédilection et il
s’est pris à combiner
Les charmes de l’horrenr n'enivrent que les forts
une scène d’épouvantable carnage, le pantelant duel des orangs-
outangs avec les sauvages de Bornéo; je passe condamnation sur
l’erreur qui a fait teinter d’écarlate les viscères du singe pendants
comme les entrailles de la monture éventrée d’un picador; le bronze
définitif ne portera pas trace de cette extravagance, et seule subsistera
l’impression causée par l’abominable tuerie, impression dénuée
d’aménité, j’en conviens, mais saisissante, opprimante.
M. Frémiet a pris rang de chef parmi les modeleurs qui s’emploient
à caractériser, dans l’humilité ou l’arrogance de leurs allures, les
tranquilles animaux du foyer ou de la ferme et les fauves héroïques,
déjà tant aimés du romantisme ; un trait est commun à ces artistes.:
tous, MM. Gardet, Péter, Cordier, Fouques, S. Lami, M“e Cazin
s’imposent de proportionner l’échelle de leurs ouvrages aux dimen-
sions de nos demeures, et c’est de quoi il faut les féliciter grande-
ment. Si peu tiennent compte aujourd’hui des exigences de la desti-
nation! M. Dampt a été des premiers à réagir contre l’appétit de
gloriole qui entraîne les sculpteurs à viser au monumental et à s’y
complaire exclusivement ; alors que le Prix Piot n’avait pas encore
mis en faveur la portraiture de l’enfance, M. Dampt a dit les visages
troués de fossettes où s’épanouit le sourire, les mines assombries par
les moues passagères; il a taillé dans le bois et dans l’ivoire, dans
l’ivoire et dans l’acier, tantôt une junévile effigie, tantôt l’inoubliable
Fée Mélusine, sans profaner sa science infaillible, sans en user jamais
qu’à la requête d'une imagination attendrie, éprise de poésie et de
rêve. La volonté de signification morale n’est pas moins certaine chez