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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 14.1895

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Nr. 2
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Reinach, Salomon: Courrier de l'art antique, 12
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https://doi.org/10.11588/diglit.24667#0179

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164

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

profil qui figure sur les magnifiques monnaies d’argent de Mithridate1. J’ai
exposé ailleurs * une hypothèse plausible due à l’historien du roi de Pont:
le buste du Louvre proviendrait d’Odessos, aujourd’hui Varna, la seule ville
grecque qui ait frappé des monnaies à l'effigie de Mithridate en Hercule,
tandis qu’il paraît ailleurs sous les attributs de Bacchus. Le frère du célèbre
Lucullus, en 73 avant Jésus-Christ, s’empara d’Odessos et d’autres villes
grecques situées sur les bords de la mer Noire ; nous savons qu'il en rapporta
des statues, entre autres des images de Mithridate, qui furent les ornements
de son triomphe à Rome. Comme la tète du Louvre y est venue de Rome, on
peut penser qu’elle a fait jadis partie d’une statue enlevée à Odessos par
Marcus Lucullus et dressée par lui dans quelque parc, peut-être dans les Horti
Luculliani sur le Pincio 3.

Rome ne s’est pas contentée d’acquérir ainsi les œuvres delà Grèce, ou de
faire travailler pour son compte des artistes grecs. Ce qu’on appelle l’art romain
n’est, il est vrai, en majeure partie, que l’art hellénique à l’époque romaine,
mais c’est aussi, surtout dans les grands monuments d’architecture, une inter-
prétation par l’art hellénique du génie romain. L’instinct de grandeur qui
est l'essence de ce génie s’y révèle parfois avec une majesté qui impose le
respect. A la longue liste des ruines imposantes que les Romains ont laissées
dans toutes les provinces de leur empire, vient aujourd’hui s’en ajouter une
qui, pour n’être connue que de fraîche date, — tant il reste, même dans la
vieille Europe, de découvertes à faire! — n’en est pas moins une des plus
grandioses et de celles qui parlent le plus fortement à notre esprit.

C’est dans la.Dobroudja, non loin du triste lieu d’exil d’Ovide, que s’élève,
sur une colline dominant une plaine sans fin, le monument dont il nous
reste à parler. Les Turcs l’ont appelé Adam-Klissi, c’est-à-dire « l’église de
l’homme». 11 a été signalé pour la première fois en 1837, par des officiers
prussiens que le roi Frédéric-Guillaume III avait mis à la disposition de
Mahmoud II pour réformer l'armée turque. Ils l’aperçurent au cours d’une
tournée qu’ils faisaient en Bulgarie, à l’effet d’inspecter les lignes de défense
du Danube. Parmi ces officiers s’en trouvait un destiné à devenir célèbre, le
Danois llelmuth von Moltke. 11 parle d’Adam-Klissi dans ses Lettres sur la
Turquie, ouvrage remarquable qui n’est pas assez connu chez nous4 : « Au
milieu de ce présent désolé s'élèvent les débris d’un passé vieux de près de
deux mille ans. Ici encore, ce sont les Romains qui ont imprimé au sol, en
caractères indélébiles, le souvenir de leur nom... Du côté du Danube, à une

L Voir un exemplaire reproduit par l’héliogravure, au double de la grandeur
naturelle, dans le Mithridate Eupator de M. Th. Reinach, pi. 1.

2. Chronique des Arts, 1893, p. 61.

3. Ces jardins appartinrent plus tard à la famille impériale; cf. Plutarque,
Lucullus, chap. XXXIX.

4. Je le cite d’après la G<= édition qu'a publiée, en 1893, feu Gustave Hirschfeld
(p. 172).
 
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