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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 14.1895

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Nr. 4
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Buisson, Jules: Jean Baptiste Tiepolo et Dominique Tiepolo, 2
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https://doi.org/10.11588/diglit.24667#0324

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304

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

n’y est point sérieusement engagée : c’est de la vieille tactique.

Bossuet, dans les Élévations, s’arrête à une remarque singulière :
« Quand Dieu a fait le fonds de son ouvrage, dit-il, c’est-à-dire en
confusion le ciel et la terre, l’air et les eaux, il n’est point dit qu’il
ait parlé. Quand il a commencé à orner le monde, à y mettre l’ordre
et la beauté, il a fait paraître sa parole. Dieu a dit : « Que la lumière
soit », et la lumière fut.... Paraissez donc, Lumière, la plus belle
des créatures matérielles. » C’est cette parole que la fine oreille de
nos deux Vénitiens a surtout entendue dans la création, et ils ont
conquis, l’un à la peintiu’e, l’autre à l’eau-forte un rôle capital dans
l’expression de la lumière extérieure. On dirait qu'il y a une espèce
de consanguinité entre eux et la lumière. Ils nagent dans la lumière
comme les poissons dans l’eau, et leurs œuvres vous communiquent
la sensation de joie qu’ils en éprouvent.

Ils sont, par là, les représentants les plus en vue de l’eau-forte
méridionale, de l’eau-forte du soleil en regard de l’eau-forte du nord
et du clair-obscur. Leur manière est spontanée, rapide, simple, claire,
sans cuisine, comme l’autre manière est un art mystérieux, compliqué
de mécanismes divers, roulette, aquatinte, d’artifices et de sortilèges
d’exécution et de tirage, qui font ressembler la gravure à la peinture
et l’entraînent quelque peu hors de son domaine, de sa destination
primitive et naturelle. Tandis qu’enveloppés de fourrures dans leurs
taudis obscurs, les sublimes frileux de la Hollande poursuivent la
subtilité des valeurs, les murmures de l’ombre, et font jaillir les
apparitions des ténèbres ou scintiller les diamants au cou de leurs mari-
tornes, les Tiepolo, eux, retrouvant, dans les butins accumulés de
Venise, un vieux Pégase, sautent sur son dos, le lancent, grisé
de lumière, dans les clartés inouïes de leur double ciel : le ciel des
astres, le ciel reflété dans la mer, et emportent en croupe la vraie
muse cavalière de la vraie eau-forte.

Il serait bien dommage que l’eau-forte du nord, savante, profonde,
intime, n’existàt pas; mais combien l’eau-forte des Tiepolo
évaporée, libre, primesautière, avec sa vie en dehors, a de charme
et d’entraînement!

J. BUISSON.
 
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