DOI Heft:
Nr. 5
DOI Artikel:Molinier, Émile: Un groupe en ivoire du musée du Louvre: le couronnement de la Vierge
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GAZETTE DES BEAUX-AllTS.
Pour ma part, je trouverais absolument condamnable de dépouiller
les musées de province des beaux objets qu’ils peuvent posséder. Ce
n’est pas le rôle de l’État, qui, au contraire, doit tâcher de les enri-
chir, pour répandre, autant que faire se peut, le goût des arts et des
études artistiques. Mais j’avoue que je trouve absurde que dans un
même pays, quelquefois dans une même ville, — on en a de notables
exemples à Paris, — un monument, dont nous avons la chance de
posséder tous les morceaux, soit condamné à rester à l’état de frag-
ments, parce que ces divers fragments ont été dispersés, à une époque
où on ne s’en inquiétait guère, dans divers établissements. C’est
singulièrement agir pour des gens qui se piquent d’aimer les arts.
Heureusement que parfois on peut faire entendre la voix de la
raison et qu’il est encore des personnes qui se laissent toucher
quand on invoque auprès d’elles des motifs d’ordre artistique ou
scientifique. Par deux fois en une année, deux musées de province
ont pris des résolutions qui font le plus grand honneur à l’esprit
éclairé de ceux qui sont chargés de veiller à leur direction. Déjà,
l'an dernier, la ville du Puy envoyait en dépôt au Louvre un feuillet
d’un curieux diptyque d’ivoire, dont l’État avait acquis l’autre partie
il y a quelques années; il y a peu de temps, le conseil municipal de
Chambéry a bien voulu se dessaisir, dans les mêmes conditions, des
deux anges qui accompagnent le Couronnement de la Vierge.
Une telle décision montre que l’on sait parfois en province se
mettre au-dessus des questions de clocher et considérer les choses de
plus haut : l’intérêt artistique et historique qui s’attachait à une
semblable reconstitution, l’honneur d’y concourir, eût certainement
plus touché cette intelligente municipalité que la très juste compen-
sation qui lui a été accordée. C'est là un bon exemple.
Le Couronnement de la Vierge ne sera pas complet dans la vitrine
du Louvre; mais tel qu’il est, le groupe constitue un monument
unique, et, en faveur de ce résultat, les lecteurs de la Gazelle me
pardonneront peut-être ces notes, destinées à leur donner la pri-
meur du second état d’un monument dont Gaucherel, en une eau-
forte, leur donna jadis le premier état. Plus tard, à l’aide de nouveax
textes, peut-être pourra-t-on résoudre bien des petits problèmes que
soulèvent ce monument, placer un peu différemment les personnages
qui le composent; c’est déjà beaucoup que d’en avoir rassemblé les
matériaux.
EMILE M 0 L IN 1ER.
GAZETTE DES BEAUX-AllTS.
Pour ma part, je trouverais absolument condamnable de dépouiller
les musées de province des beaux objets qu’ils peuvent posséder. Ce
n’est pas le rôle de l’État, qui, au contraire, doit tâcher de les enri-
chir, pour répandre, autant que faire se peut, le goût des arts et des
études artistiques. Mais j’avoue que je trouve absurde que dans un
même pays, quelquefois dans une même ville, — on en a de notables
exemples à Paris, — un monument, dont nous avons la chance de
posséder tous les morceaux, soit condamné à rester à l’état de frag-
ments, parce que ces divers fragments ont été dispersés, à une époque
où on ne s’en inquiétait guère, dans divers établissements. C’est
singulièrement agir pour des gens qui se piquent d’aimer les arts.
Heureusement que parfois on peut faire entendre la voix de la
raison et qu’il est encore des personnes qui se laissent toucher
quand on invoque auprès d’elles des motifs d’ordre artistique ou
scientifique. Par deux fois en une année, deux musées de province
ont pris des résolutions qui font le plus grand honneur à l’esprit
éclairé de ceux qui sont chargés de veiller à leur direction. Déjà,
l'an dernier, la ville du Puy envoyait en dépôt au Louvre un feuillet
d’un curieux diptyque d’ivoire, dont l’État avait acquis l’autre partie
il y a quelques années; il y a peu de temps, le conseil municipal de
Chambéry a bien voulu se dessaisir, dans les mêmes conditions, des
deux anges qui accompagnent le Couronnement de la Vierge.
Une telle décision montre que l’on sait parfois en province se
mettre au-dessus des questions de clocher et considérer les choses de
plus haut : l’intérêt artistique et historique qui s’attachait à une
semblable reconstitution, l’honneur d’y concourir, eût certainement
plus touché cette intelligente municipalité que la très juste compen-
sation qui lui a été accordée. C'est là un bon exemple.
Le Couronnement de la Vierge ne sera pas complet dans la vitrine
du Louvre; mais tel qu’il est, le groupe constitue un monument
unique, et, en faveur de ce résultat, les lecteurs de la Gazelle me
pardonneront peut-être ces notes, destinées à leur donner la pri-
meur du second état d’un monument dont Gaucherel, en une eau-
forte, leur donna jadis le premier état. Plus tard, à l’aide de nouveax
textes, peut-être pourra-t-on résoudre bien des petits problèmes que
soulèvent ce monument, placer un peu différemment les personnages
qui le composent; c’est déjà beaucoup que d’en avoir rassemblé les
matériaux.
EMILE M 0 L IN 1ER.