CLAUDE H OIN
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seuse pour son intelligence et sa vivacité. Il composa pour elle des
airs qui devinrent vite populaires. De son côté, Mme Favart, auteur
de l’opéra-comique Annette et Lubin, préparait ses débuts et la
produisit dans cette pièce. En 1774, Rose abandonna définitivement
la danse et vola de succès en succès. Dans le Déserteur, dans Biaise
et Babet, dans Nina ou la Folle 'par amour surtout, elle était applaudie
avec enthousiasme, et, par sa jolie voix, sa sensibilité et la finesse
de son jeu, transportait la salle.
Personne ne « parlait le chant » avec un accent plus vrai, une
expression plus passionnée. Sa notoriété n’avait d’égale que la
légèreté de sa conduite. Mariée à Dugazon, qui jouait les valets à la
Comédie française, elle s’en sépara bientôt, en ne lui donnant que
trop de motifs d’être jaloux. Bachaumont conte sur elle les aventures
les moins édifiantes, et les mémoires du temps content que, six mois
après avoir quitté son mari, elle en était à son quinzième galant.
De taille élégante, de physionomie piquante, les artistes se dis-
putaient l’honneur de la peindre dans l'un de ses rôles. Mme Vigée-
Lebrun, dans ses Souvenirs, assure qu’on n’a jamais porté à la scène
autant de vérité : « On n’apercevait plus l’actrice. Grétry et Dalayrac
étaient fous d’elle et j’en étais folle. Je crois avoir vu Nina vingt
fois au moins, et chaque fois mon attendrissement a été le
même. »
Au Salon de 1787, Mme Lebrun exposa un portrait de la Du-
gazon, justement dans le rôle de Nina, au moment où elle croit
entendre la voix de Germeuil. Le portrait que Dutertre a dessiné
d’elle, gravé par Janinet pour les Costumes et Annales des grands
théâtres, est assez ordinaire ; celui de Coutellier, au pointillé rehaussé
de couleur, est plus original. Quant à la miniature d’Isabey, gravée
par Monsaldy, elle n’a été exécutée que plus tard, alors que l’actrice
jouait déjà les mères, et c’est encore Hoin qui nous a légué son
image avec le plus de précision, de ressemblance et de chaleur.
Rappelons, en quelques mots, le sujet dont Marsollier tira son
livret, d’une rare insignifiance d’ailleurs. La fille du comte *** aime
le jeune Germeuil, quand un parti plus riche se présente. Le père
ordonne à sa fille, désolée, de renoncer à celui qu’elle a choisi. Les
rivaux se rencontrent dans le parc, mettent l’épée à la main et Ger-
meuil tombe grièvement blessé. Nina, le croyant mort, devient folle.
Chaque jour elle va à la grille du parc au-devant de son fiancé, des
fleurs à la main, et passe ses journées à l’attendre. De cette anec-
dote, dont le fond était véritable, Marsollier avait tiré sa comédie
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seuse pour son intelligence et sa vivacité. Il composa pour elle des
airs qui devinrent vite populaires. De son côté, Mme Favart, auteur
de l’opéra-comique Annette et Lubin, préparait ses débuts et la
produisit dans cette pièce. En 1774, Rose abandonna définitivement
la danse et vola de succès en succès. Dans le Déserteur, dans Biaise
et Babet, dans Nina ou la Folle 'par amour surtout, elle était applaudie
avec enthousiasme, et, par sa jolie voix, sa sensibilité et la finesse
de son jeu, transportait la salle.
Personne ne « parlait le chant » avec un accent plus vrai, une
expression plus passionnée. Sa notoriété n’avait d’égale que la
légèreté de sa conduite. Mariée à Dugazon, qui jouait les valets à la
Comédie française, elle s’en sépara bientôt, en ne lui donnant que
trop de motifs d’être jaloux. Bachaumont conte sur elle les aventures
les moins édifiantes, et les mémoires du temps content que, six mois
après avoir quitté son mari, elle en était à son quinzième galant.
De taille élégante, de physionomie piquante, les artistes se dis-
putaient l’honneur de la peindre dans l'un de ses rôles. Mme Vigée-
Lebrun, dans ses Souvenirs, assure qu’on n’a jamais porté à la scène
autant de vérité : « On n’apercevait plus l’actrice. Grétry et Dalayrac
étaient fous d’elle et j’en étais folle. Je crois avoir vu Nina vingt
fois au moins, et chaque fois mon attendrissement a été le
même. »
Au Salon de 1787, Mme Lebrun exposa un portrait de la Du-
gazon, justement dans le rôle de Nina, au moment où elle croit
entendre la voix de Germeuil. Le portrait que Dutertre a dessiné
d’elle, gravé par Janinet pour les Costumes et Annales des grands
théâtres, est assez ordinaire ; celui de Coutellier, au pointillé rehaussé
de couleur, est plus original. Quant à la miniature d’Isabey, gravée
par Monsaldy, elle n’a été exécutée que plus tard, alors que l’actrice
jouait déjà les mères, et c’est encore Hoin qui nous a légué son
image avec le plus de précision, de ressemblance et de chaleur.
Rappelons, en quelques mots, le sujet dont Marsollier tira son
livret, d’une rare insignifiance d’ailleurs. La fille du comte *** aime
le jeune Germeuil, quand un parti plus riche se présente. Le père
ordonne à sa fille, désolée, de renoncer à celui qu’elle a choisi. Les
rivaux se rencontrent dans le parc, mettent l’épée à la main et Ger-
meuil tombe grièvement blessé. Nina, le croyant mort, devient folle.
Chaque jour elle va à la grille du parc au-devant de son fiancé, des
fleurs à la main, et passe ses journées à l’attendre. De cette anec-
dote, dont le fond était véritable, Marsollier avait tiré sa comédie