TRÉSORS DE L’ART ITALIEN EN ANGLETERRE
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lecteurs n’ont guère besoin, aujourd’hui, de la signature pour authen-
tiquer l’œuvre de Raphaël; elle est, comme on dit, signée partout,
Le tableau fut peint pour la chapelle Gavari, dans l’église des
dominicains de Città di Castello, petite ville située non loin de
Pérouse, où le jeune artiste étudiait alors chez le Pérugin, et d’Ur-
hin, sa ville natale. Mais on se demande avec quelque surprise
comment un jeune garçon de dix-huit ou dix-neuf ans put recevoir
une si importante commande dans une localité où il ne faisait pas
ses études. Je crois que la raison de cette anomalie est la suivante :
Città di Castello était politiquement alliée avec Urbin; nous voyons,
par exemple, les Vitelli, les seigneurs de l’endroit, donner amicale-
ment refuge au duc Guidobaldo, quand César Borgia chassa celui-ci,
en 1502. Il est tout naturel de supposer que le jeune peintre d’Urhin
put être recommandé par ses puissants amis, et cette supposition
explique en partie comment il se fait que, sur les cinq premières
commandes faites à Raphaël, quatre lui vinrent de Città di Castello.
Pérouse avait son Pérugin et son Pinturicchio, plus une armée
d’artistes moins célèbres; Urbin avait son peintre officiel, Timoteo
Viti; Città di Castello avait eu Signorelli pour orner ses autels;
mais, Signorelli étant parti, on lui cherchait un digne successeur.
Or, Pérugin et Pinturicchio ne semblent pas avoir eu de liens bien
étroits avec la petite cité, mais nous savons que Timoteo Viti pei-
gnit pour elle un tableau tout entier de sa main 1 : il était donc bien
désigné pour y recommander son jeune compatriote, le petit Raphaël.
Quoi de plus naturel, par conséquent, que de voir ce dernier entrer
au service des Castellans?
Avant d’alléguer une seconde et probante raison à l’engagement
du jeune Raphaël, voyons ce que furent les premières commandes
ainsi reçues par lui. Nous avons parlé de la Crucifixion et nous
avons cité le Sposalizio de 1504, qui fut exécuté pour les franciscains
de Città di Castello. Il nous reste à mentionner deux œuvres : le
Couronnement de saint Nicolas de Tolentino, peint pour les moines
augustins, et la bannière de procession conservée au Musée municipal
de la ville.
Je sais qu’on a élevé des doutes sur l’authenticité de ce dernier
morceau : examinons-le donc de près. Il est peint sur les deux faces ;
sur l’une est représentée La Trinité, avec saint Roch et saint Sébas-
tien agenouillés dans un paysage; sur l’autre se voit La Création
d’Eve. L’œuvre est dans un état déplorable, mais il en reste assez
i. Vasari, IV, 496.
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lecteurs n’ont guère besoin, aujourd’hui, de la signature pour authen-
tiquer l’œuvre de Raphaël; elle est, comme on dit, signée partout,
Le tableau fut peint pour la chapelle Gavari, dans l’église des
dominicains de Città di Castello, petite ville située non loin de
Pérouse, où le jeune artiste étudiait alors chez le Pérugin, et d’Ur-
hin, sa ville natale. Mais on se demande avec quelque surprise
comment un jeune garçon de dix-huit ou dix-neuf ans put recevoir
une si importante commande dans une localité où il ne faisait pas
ses études. Je crois que la raison de cette anomalie est la suivante :
Città di Castello était politiquement alliée avec Urbin; nous voyons,
par exemple, les Vitelli, les seigneurs de l’endroit, donner amicale-
ment refuge au duc Guidobaldo, quand César Borgia chassa celui-ci,
en 1502. Il est tout naturel de supposer que le jeune peintre d’Urhin
put être recommandé par ses puissants amis, et cette supposition
explique en partie comment il se fait que, sur les cinq premières
commandes faites à Raphaël, quatre lui vinrent de Città di Castello.
Pérouse avait son Pérugin et son Pinturicchio, plus une armée
d’artistes moins célèbres; Urbin avait son peintre officiel, Timoteo
Viti; Città di Castello avait eu Signorelli pour orner ses autels;
mais, Signorelli étant parti, on lui cherchait un digne successeur.
Or, Pérugin et Pinturicchio ne semblent pas avoir eu de liens bien
étroits avec la petite cité, mais nous savons que Timoteo Viti pei-
gnit pour elle un tableau tout entier de sa main 1 : il était donc bien
désigné pour y recommander son jeune compatriote, le petit Raphaël.
Quoi de plus naturel, par conséquent, que de voir ce dernier entrer
au service des Castellans?
Avant d’alléguer une seconde et probante raison à l’engagement
du jeune Raphaël, voyons ce que furent les premières commandes
ainsi reçues par lui. Nous avons parlé de la Crucifixion et nous
avons cité le Sposalizio de 1504, qui fut exécuté pour les franciscains
de Città di Castello. Il nous reste à mentionner deux œuvres : le
Couronnement de saint Nicolas de Tolentino, peint pour les moines
augustins, et la bannière de procession conservée au Musée municipal
de la ville.
Je sais qu’on a élevé des doutes sur l’authenticité de ce dernier
morceau : examinons-le donc de près. Il est peint sur les deux faces ;
sur l’une est représentée La Trinité, avec saint Roch et saint Sébas-
tien agenouillés dans un paysage; sur l’autre se voit La Création
d’Eve. L’œuvre est dans un état déplorable, mais il en reste assez
i. Vasari, IV, 496.