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GAZETTE DES BEAUX ARTS
Ce n’est pas à un tel titre, à coup sûr, que peut prétendre la statue
en bronze d’un des derniers princes régnants, qui se dresse sur une
des places. Cet ouvrage, d’une patine désagréable tirant sur le laiton,
a pour principal ornement une inscription dont voici à peu près le
sens : « Pour faire passer l’unité allemande du domaine des rêves
dans celui de la réalité, aucun sacrifice ne serait trop grand. »
Laissant de côté les édifices modernes de Sigmaringen, et avant
tout la « Hofkirche », d’un rococo affreux, avec des peinturlurages
à faire dresser les cheveux, je m’attacherai uniquement à la Vieille
Résidence, bâtie sur un rocher qui domine fièrement le Danube.
Combien il eût été à souhaiter qu’en pleine Renaissance se fût trouvé
un prince songeant à faire, dans ce site merveilleux, ce que faisaient
à Heidelberg les électeurs palatins, ce qu’ont fait si brillamment,
avec tant de goût et de générosité, les représentants de la famille
au xixe siècle, les princes Charles-Antoine (1811-1885) et Léopold!
Malheureusement, la Résidence n'est plus qu’une agglomération ce
constructions disparates, sans plan, sans symétrie, presque sans
forme, dont la plupart semblent dater du xvic et du xvne siècle. Pour
comble, en 1893, un incendie a dévoré une partie des appartements ;
de là, de nombreux remaniements qui eut encore ajouté à la caco-
phonie. Seuls, les pignons dentelés qui dominent le reste des
constructions offrent quelque pittoresque et quelque tenue.
La Vieille Résidence (ne pas confondre avec le « Prinzen Palast »,
qui est moderne et qui s’élève dans la ville même, à proximité d’un
superbe jardin), forme, malgré l'incendie de 1893, un dédale d’appar-
tements mi-rococo, mi-troubadour Empire. On n’y compte pas moins
de 266 salles ou chambres, toutes éclairées à l'électricité et d'une
installation parfois fort somptueuse, surtout dans les pièces destinées
aux « allerhœchste Besuche » (aux très augustes visites). De vieux
mousquets, des glaces modernes à cadre plat doré, d’innombrables
bois de cerfs, y coudoient d’inestimables pièces historiques. Voici
une superbe tapisserie flamande du xvie siècle, dans le genre des
Combats des Vertus et des Vices\ du palais de Madrid, représentant
un hommage rendu à l’empereur Maximilien. La pièce, par malheur,
a été restaurée. Ailleurs, ce sont d'imposants poêles en faïence de
Nuremberg (1487, 1523), ou des porcelaines de Saxe de grande
beauté, ou encore les portraits des Hohenzollern, au temps où ils
étaient burgraves de Nuremberg.
Un des premiers ouvrages datés de la Renaissance allemande
serait, d’après Lübke, la sculpture votive (1526) incrustée sur le
GAZETTE DES BEAUX ARTS
Ce n’est pas à un tel titre, à coup sûr, que peut prétendre la statue
en bronze d’un des derniers princes régnants, qui se dresse sur une
des places. Cet ouvrage, d’une patine désagréable tirant sur le laiton,
a pour principal ornement une inscription dont voici à peu près le
sens : « Pour faire passer l’unité allemande du domaine des rêves
dans celui de la réalité, aucun sacrifice ne serait trop grand. »
Laissant de côté les édifices modernes de Sigmaringen, et avant
tout la « Hofkirche », d’un rococo affreux, avec des peinturlurages
à faire dresser les cheveux, je m’attacherai uniquement à la Vieille
Résidence, bâtie sur un rocher qui domine fièrement le Danube.
Combien il eût été à souhaiter qu’en pleine Renaissance se fût trouvé
un prince songeant à faire, dans ce site merveilleux, ce que faisaient
à Heidelberg les électeurs palatins, ce qu’ont fait si brillamment,
avec tant de goût et de générosité, les représentants de la famille
au xixe siècle, les princes Charles-Antoine (1811-1885) et Léopold!
Malheureusement, la Résidence n'est plus qu’une agglomération ce
constructions disparates, sans plan, sans symétrie, presque sans
forme, dont la plupart semblent dater du xvic et du xvne siècle. Pour
comble, en 1893, un incendie a dévoré une partie des appartements ;
de là, de nombreux remaniements qui eut encore ajouté à la caco-
phonie. Seuls, les pignons dentelés qui dominent le reste des
constructions offrent quelque pittoresque et quelque tenue.
La Vieille Résidence (ne pas confondre avec le « Prinzen Palast »,
qui est moderne et qui s’élève dans la ville même, à proximité d’un
superbe jardin), forme, malgré l'incendie de 1893, un dédale d’appar-
tements mi-rococo, mi-troubadour Empire. On n’y compte pas moins
de 266 salles ou chambres, toutes éclairées à l'électricité et d'une
installation parfois fort somptueuse, surtout dans les pièces destinées
aux « allerhœchste Besuche » (aux très augustes visites). De vieux
mousquets, des glaces modernes à cadre plat doré, d’innombrables
bois de cerfs, y coudoient d’inestimables pièces historiques. Voici
une superbe tapisserie flamande du xvie siècle, dans le genre des
Combats des Vertus et des Vices\ du palais de Madrid, représentant
un hommage rendu à l’empereur Maximilien. La pièce, par malheur,
a été restaurée. Ailleurs, ce sont d'imposants poêles en faïence de
Nuremberg (1487, 1523), ou des porcelaines de Saxe de grande
beauté, ou encore les portraits des Hohenzollern, au temps où ils
étaient burgraves de Nuremberg.
Un des premiers ouvrages datés de la Renaissance allemande
serait, d’après Lübke, la sculpture votive (1526) incrustée sur le