COURRIER DE L’ART ANTIQUE
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défunt méconnaissable, à moins de supposer — ce qui serait possible, mais
possible seulement — que le défunt ait porté le nom de Méléagre, comme le
poète connu de Gadara, et que la tête célèbre du Méléagre de Scopas, substituée
à la sienne, ait eu pour but de rappeler cette homonymie 1.
Y
La céramique grecque, trop longtemps délaissée pour la coroplastie, pour ces
figurines de Tanagra et de l’Asie Mineure dont les amateurs paraissent se dé-
tourner aujourd’hui avec méfiance, éveille de nouveau, en particulier depuis la
vente van Branteghem (1893), les convoitises des musées et des collectionneurs.
Assurément, l’époque des découvertes en masse, comme celles de Vulci et de
Cære, est passée, et il est probable qu’on ne formera plus de cabinets de vases
peints aussi riches que ceux du chevalier Durand, de Beugnot, du prince de
Canino, de Jatta, de Magnoncour, du comte de Pourtalès, du marquis Campana.
Mais, outre que les tombes de l’Italie, de la Grèce et des îles fournissent encore
une moisson assez abondante, les prix élevés qu’ont atteints, en ces derniers
temps, les vases de la belle époque, en particulier ceux qui sont signés de noms
d’artistes, font sortir de leurs cachettes nombre de pièces de choix qui sont de
véritables révélations pour les amateurs. Point n’est nécessaire d’être prophète
pour prédire que les éludes de céramique antique, facilitées par les beaux cata-
logues descriptifs des musées de Berlin, de Londres et de Paris, seront très en
honneur au début du xxe siècle. Peut-être verra-t-on alors exhumer la grande
collection formée autrefois par Hope, qui se dissimule, depuis près d’un siècle,
dans le château de Deepdene en Angleterre; peut-être aussi, les circonstances
politiques s’y prêtant, sera-t-il possible d’explorer méthodiquement les tombes
grecques de la Cyrénaïque, où l’on a déjà beaucoup trouvé, mais où il reste bien
davantage à découvrir.
Dans la distribution des trésors qui reviennent aujourd’hui, ou qui revien-
dront demain à la lumière, l’Amérique paraît décidée à revendiquer une large
part. Dès 1893, M. Edward Robinson publiait un catalogue des vases peints con-
servés au musée de Boston, au nombre de plus de 600 (contre 6.000 au Louvre et
4.000 à Berlin). Depuis cette époque, le même musée n’a cessé d’acheter des
vases, surtout des vases signés du ve siècle, et il a réussi à s’en assurer d’admira-
bles spécimens, dont on chercherait vainement les similaires dans la plupart des
grandes collections de l’Europe. Le 23e rapport annuel sur les progrès du musée
de Boston, enregistrant les acquisitions de 1898, est un éloquent témoignage de
la faveur que la céramique grecque rencontre auprès de nos confrères des États-
Unis. Voici d’abord un vase archaïque béotien, en forme d’un pied chaussé d’une
sandale ; sur la plante est incisée l'inscription Gryton a fait, qui nous donne le
nom d’un potier inconnu du début du ve siècle. Un lécythe protocorinthien,
remontant peut-être au vue siècle, est signé de Pyrrhos, fils d’Agasilcos,— encore
deux noms inconnus. Nous avons autrefois figuré dans ce Courrier une charmante
coupe signée de Tléson,fils de Néarchos, qui avait été découverte par M. Gsell dans
1. Quelques personnes se demanderont si, dans la statue d’Érétrie, la tête appartient
bien au corps. D’après le catalogue de M. Cavvadias, on est en droit de l’affirmer sans
réserves.
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défunt méconnaissable, à moins de supposer — ce qui serait possible, mais
possible seulement — que le défunt ait porté le nom de Méléagre, comme le
poète connu de Gadara, et que la tête célèbre du Méléagre de Scopas, substituée
à la sienne, ait eu pour but de rappeler cette homonymie 1.
Y
La céramique grecque, trop longtemps délaissée pour la coroplastie, pour ces
figurines de Tanagra et de l’Asie Mineure dont les amateurs paraissent se dé-
tourner aujourd’hui avec méfiance, éveille de nouveau, en particulier depuis la
vente van Branteghem (1893), les convoitises des musées et des collectionneurs.
Assurément, l’époque des découvertes en masse, comme celles de Vulci et de
Cære, est passée, et il est probable qu’on ne formera plus de cabinets de vases
peints aussi riches que ceux du chevalier Durand, de Beugnot, du prince de
Canino, de Jatta, de Magnoncour, du comte de Pourtalès, du marquis Campana.
Mais, outre que les tombes de l’Italie, de la Grèce et des îles fournissent encore
une moisson assez abondante, les prix élevés qu’ont atteints, en ces derniers
temps, les vases de la belle époque, en particulier ceux qui sont signés de noms
d’artistes, font sortir de leurs cachettes nombre de pièces de choix qui sont de
véritables révélations pour les amateurs. Point n’est nécessaire d’être prophète
pour prédire que les éludes de céramique antique, facilitées par les beaux cata-
logues descriptifs des musées de Berlin, de Londres et de Paris, seront très en
honneur au début du xxe siècle. Peut-être verra-t-on alors exhumer la grande
collection formée autrefois par Hope, qui se dissimule, depuis près d’un siècle,
dans le château de Deepdene en Angleterre; peut-être aussi, les circonstances
politiques s’y prêtant, sera-t-il possible d’explorer méthodiquement les tombes
grecques de la Cyrénaïque, où l’on a déjà beaucoup trouvé, mais où il reste bien
davantage à découvrir.
Dans la distribution des trésors qui reviennent aujourd’hui, ou qui revien-
dront demain à la lumière, l’Amérique paraît décidée à revendiquer une large
part. Dès 1893, M. Edward Robinson publiait un catalogue des vases peints con-
servés au musée de Boston, au nombre de plus de 600 (contre 6.000 au Louvre et
4.000 à Berlin). Depuis cette époque, le même musée n’a cessé d’acheter des
vases, surtout des vases signés du ve siècle, et il a réussi à s’en assurer d’admira-
bles spécimens, dont on chercherait vainement les similaires dans la plupart des
grandes collections de l’Europe. Le 23e rapport annuel sur les progrès du musée
de Boston, enregistrant les acquisitions de 1898, est un éloquent témoignage de
la faveur que la céramique grecque rencontre auprès de nos confrères des États-
Unis. Voici d’abord un vase archaïque béotien, en forme d’un pied chaussé d’une
sandale ; sur la plante est incisée l'inscription Gryton a fait, qui nous donne le
nom d’un potier inconnu du début du ve siècle. Un lécythe protocorinthien,
remontant peut-être au vue siècle, est signé de Pyrrhos, fils d’Agasilcos,— encore
deux noms inconnus. Nous avons autrefois figuré dans ce Courrier une charmante
coupe signée de Tléson,fils de Néarchos, qui avait été découverte par M. Gsell dans
1. Quelques personnes se demanderont si, dans la statue d’Érétrie, la tête appartient
bien au corps. D’après le catalogue de M. Cavvadias, on est en droit de l’affirmer sans
réserves.