DOI issue:
Nr. 5
DOI article:Rais, Jules: Le salon de 1900, [1]
DOI Page / Citation link:https://doi.org/10.11588/diglit.24720#0374
35G
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
son pinceau magique ; jusqu’aux frêles roseaux agités par les vents,
qui ne sont plus de simples productions de la terre marécageuse,
mais qui deviennent les restes infortunés de l’amante du dieu
Pan, baignés par les eaux du fleuve de Ladon, et rendant déjà le
son plaintif et harmonieux de la flûte. » Quand telle est l'ambition
du peintre, comment se plaindrait-il si le critique accuse sa Vue
d’Italie de ne pas « remuer » assez l’âme, quoiqu’il y représente une
mère courant au secours de son enfant sur le point de tomber dans
un ravin ? Comment venger son fidèle Berlin du reproche de
ne pas sortir « des environs du pays qui l’a vu naître »? On cite
encore des paysages et des marines de César Yanloo, de Doix, de
Dunouy, de Taure!, de Crépin et de Taunay. — Mais un souffle
précurseur anime déjà, sans que nul s'en doute, les scènes de
Xavier Bidault, celles de Demarne qui a « du coloris, de la transpa-
rence... » — Et, sans doute, Boilly continue la suite de ses portraits
lissés en deux heures; on s’empresse autour de ceux de Thévenin,
d’Ansiaux, de Lagrenée fils, de Mm3 Vincent, de Mme Lcnoir, de
Mme Chaudet, d'une négresse où M'nc Lavillc Leroux a mis a toute
la pureté du dessin » davidicn. — Mais déjà Granet s’est émancipé
en des recherches de clair-obscur; Forbin l'imite dans ce « genre
mélancolique », fait pénétrer « une lumière humide et froide » dans
ses Chapelles gothiques. Voilà le premier frisson romantique, et
voilà l’escarmouche des barbus, des penseurs : « Quel est ce tableau
dont la singularité excite la surprise? » interroge le critique de la
Décade« On lit au bas: Le Barde Ossian. Le peintre croirait-il
avoir imité le genre du poète? Si ce dernier nous a plu par un coloris
nouveau, c’est qu'il est sombre, mélancolique et qu’il n’est pas bar-
bare. » Et Bruun, sentant bien que la révolte menace, rappelle les
services rendus, la décadence, le faux goût des Coypel et des Boucher,
lance son : Enfin Vieil... « L’Ecole française, régénérée par ses tra-
vaux et par son exemple, est revenue à la grandeur simple et sévère
des modèles antiques... C’est aujourd'hui son caractère dominant :
mais il est menacé d’une dégradation si le génie et le goût ne se
réunissent pas pour le défendre contre les innovations barbares
qu'on s’efforce d’accréditer. On a vu cette année, au Salon, un
ouvrage qui, dit-on, représente une scène de la vie d’Ossian , pro-
duction très ambitieuse et très ridicule qui îVoffre qu'une image
grossière de Lenfance de l’art et qui, paraissant tout à coup au
milieu du xine siècle, n'aurait pas même mérité les éloges que
\. Décide philosophique, 20 vendémiaire an ix.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
son pinceau magique ; jusqu’aux frêles roseaux agités par les vents,
qui ne sont plus de simples productions de la terre marécageuse,
mais qui deviennent les restes infortunés de l’amante du dieu
Pan, baignés par les eaux du fleuve de Ladon, et rendant déjà le
son plaintif et harmonieux de la flûte. » Quand telle est l'ambition
du peintre, comment se plaindrait-il si le critique accuse sa Vue
d’Italie de ne pas « remuer » assez l’âme, quoiqu’il y représente une
mère courant au secours de son enfant sur le point de tomber dans
un ravin ? Comment venger son fidèle Berlin du reproche de
ne pas sortir « des environs du pays qui l’a vu naître »? On cite
encore des paysages et des marines de César Yanloo, de Doix, de
Dunouy, de Taure!, de Crépin et de Taunay. — Mais un souffle
précurseur anime déjà, sans que nul s'en doute, les scènes de
Xavier Bidault, celles de Demarne qui a « du coloris, de la transpa-
rence... » — Et, sans doute, Boilly continue la suite de ses portraits
lissés en deux heures; on s’empresse autour de ceux de Thévenin,
d’Ansiaux, de Lagrenée fils, de Mm3 Vincent, de Mme Lcnoir, de
Mme Chaudet, d'une négresse où M'nc Lavillc Leroux a mis a toute
la pureté du dessin » davidicn. — Mais déjà Granet s’est émancipé
en des recherches de clair-obscur; Forbin l'imite dans ce « genre
mélancolique », fait pénétrer « une lumière humide et froide » dans
ses Chapelles gothiques. Voilà le premier frisson romantique, et
voilà l’escarmouche des barbus, des penseurs : « Quel est ce tableau
dont la singularité excite la surprise? » interroge le critique de la
Décade« On lit au bas: Le Barde Ossian. Le peintre croirait-il
avoir imité le genre du poète? Si ce dernier nous a plu par un coloris
nouveau, c’est qu'il est sombre, mélancolique et qu’il n’est pas bar-
bare. » Et Bruun, sentant bien que la révolte menace, rappelle les
services rendus, la décadence, le faux goût des Coypel et des Boucher,
lance son : Enfin Vieil... « L’Ecole française, régénérée par ses tra-
vaux et par son exemple, est revenue à la grandeur simple et sévère
des modèles antiques... C’est aujourd'hui son caractère dominant :
mais il est menacé d’une dégradation si le génie et le goût ne se
réunissent pas pour le défendre contre les innovations barbares
qu'on s’efforce d’accréditer. On a vu cette année, au Salon, un
ouvrage qui, dit-on, représente une scène de la vie d’Ossian , pro-
duction très ambitieuse et très ridicule qui îVoffre qu'une image
grossière de Lenfance de l’art et qui, paraissant tout à coup au
milieu du xine siècle, n'aurait pas même mérité les éloges que
\. Décide philosophique, 20 vendémiaire an ix.