PARISER BRIEF
Trouve-t-on, ä la date de la paix, les artistes isoles les uns
des autres plus qu’en aucun temps, et la consequence de cette
extraordinaire “ demobilisation ” est-elle de les arracher ä la Sorte
d’ceuvre collective dont, en 1914, le siecle lirail encore orgueil?
A cette question, comme a laut d’autres, poinf de reponse.
L’univers secoue par les puissants explosifs est devenu tel que rien
n’y est plus jamais ni absolument vrai, ni absolument faux.
Comme il n’y a plus de place non plus pour les regrets, on ne
perdra pas de temps ä soupirer: C’etait bien la peine de depenser tant
d’ingeniosite ä meiire un peu d’ordre dans la confusion des talents!
Anecdote. En pleine guerre, un illuMre Andalou et un poete
en permission visitem un marcliand en uniforme, lequel les introduit
en son arriere-galerie. Ce no man’s land des marchands.
Exhibition d'un Matisse. Le Marchand: Hein! est-ce assez decoratif!
L’Andalou au Poete: Et nous qui avous tant travaille pour que ce
ne soit plus jamais decoratif!
Quand les journaux
allemands recommencerent
de figurer: aux etalages des
libraires et aux pannaux des
kiosques des boulevards,
une vive curioMte se mani-
feste de connaftre le der n ier
etat de la jeune pein-
ture allemande, depuis
que le Cafe du Dome
avait augmente le prix de ses
consommations. On s’eton-
nait qu’aucune reproduction
n’ait penetre ici quand l’Alle-
magne ne nous avait rien
ienu secrei de sa liiieraiure
nouvelle. Une inwatience
certaine se marquait de ne
plus ignorer l’expression-
nisme. Etiquette deplorable;
celle d’une ecole qui avait fait long feu ä Paris, aux environs de 1909.
Alors, des journalistes, des echotiers incultes avaient tente, me-
connaissant Rousseau, de faire un nouveau Douanier d’un pauvre
diable enseignant le dessin et l’ecriture aux enfants des boutiquiers
de la rue Saint-Jacques, et qui exposait ses ceuvres, qualifiees
exp ressi o n n i st es, sur un pignon de la rue Soufflot. La merveille
de l’expressionnisme franqais fut Jonas dans la baleine. II est
peu probable que M. Rudolf Levy en ait perdu le souvenir. Le poete
Frantz Hessel eut la velleite de se Loffrir pour son anniversaire.
Ca n’est pas la raison pour quoi l’expressionnisme allemand
a pu decevoir. J’ecris aussitot qne je crois ä son avenir. Les
premieres gazettes d’art allemandes decouragerent par l’abus de la
terminologie insurrectionnelle. Peut-elre n’a-t-on pas assez pris
garde qu’elle traduisait l’etat d’esprit le plus favorable ä la creation.
Sans doute est-ce une erreur que de demander trop de leqons
directes ä Marc Chagall, dont Linieret n’est pas niable; c’en est une
97
Trouve-t-on, ä la date de la paix, les artistes isoles les uns
des autres plus qu’en aucun temps, et la consequence de cette
extraordinaire “ demobilisation ” est-elle de les arracher ä la Sorte
d’ceuvre collective dont, en 1914, le siecle lirail encore orgueil?
A cette question, comme a laut d’autres, poinf de reponse.
L’univers secoue par les puissants explosifs est devenu tel que rien
n’y est plus jamais ni absolument vrai, ni absolument faux.
Comme il n’y a plus de place non plus pour les regrets, on ne
perdra pas de temps ä soupirer: C’etait bien la peine de depenser tant
d’ingeniosite ä meiire un peu d’ordre dans la confusion des talents!
Anecdote. En pleine guerre, un illuMre Andalou et un poete
en permission visitem un marcliand en uniforme, lequel les introduit
en son arriere-galerie. Ce no man’s land des marchands.
Exhibition d'un Matisse. Le Marchand: Hein! est-ce assez decoratif!
L’Andalou au Poete: Et nous qui avous tant travaille pour que ce
ne soit plus jamais decoratif!
Quand les journaux
allemands recommencerent
de figurer: aux etalages des
libraires et aux pannaux des
kiosques des boulevards,
une vive curioMte se mani-
feste de connaftre le der n ier
etat de la jeune pein-
ture allemande, depuis
que le Cafe du Dome
avait augmente le prix de ses
consommations. On s’eton-
nait qu’aucune reproduction
n’ait penetre ici quand l’Alle-
magne ne nous avait rien
ienu secrei de sa liiieraiure
nouvelle. Une inwatience
certaine se marquait de ne
plus ignorer l’expression-
nisme. Etiquette deplorable;
celle d’une ecole qui avait fait long feu ä Paris, aux environs de 1909.
Alors, des journalistes, des echotiers incultes avaient tente, me-
connaissant Rousseau, de faire un nouveau Douanier d’un pauvre
diable enseignant le dessin et l’ecriture aux enfants des boutiquiers
de la rue Saint-Jacques, et qui exposait ses ceuvres, qualifiees
exp ressi o n n i st es, sur un pignon de la rue Soufflot. La merveille
de l’expressionnisme franqais fut Jonas dans la baleine. II est
peu probable que M. Rudolf Levy en ait perdu le souvenir. Le poete
Frantz Hessel eut la velleite de se Loffrir pour son anniversaire.
Ca n’est pas la raison pour quoi l’expressionnisme allemand
a pu decevoir. J’ecris aussitot qne je crois ä son avenir. Les
premieres gazettes d’art allemandes decouragerent par l’abus de la
terminologie insurrectionnelle. Peut-elre n’a-t-on pas assez pris
garde qu’elle traduisait l’etat d’esprit le plus favorable ä la creation.
Sans doute est-ce une erreur que de demander trop de leqons
directes ä Marc Chagall, dont Linieret n’est pas niable; c’en est une
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