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Mariette, Auguste: La table de Saqqarah
DOI Page / Citation link:https://doi.org/10.11588/diglit.24252#0190
186 REVUE ARCHÉOLOGIQUE.
les rois de lahaute et de la basse Égypte, même quand ils ne l’étaient
pas. Mais, quoique ne figurant pas dans les listes officielles, les pré-
tendants exclus n’en auraient pas moins régné quelque part, et il
n’est pas impossible qu’en certain temps et en certains lieux on ait
tenu à évoquer leur souvenir. Qui nous dit, d’un autre côté, que les
rois proclamés légitimes par les contemporains de Ramsès il ne fu-
rent pas traités en usurpateurs, mille ans plus tard, par les contem-
porains de Philadelphe? qui nous dit que, selon les localités et les
idées politiques du moment, les annales égyptiennes elles-mêmes
n’ont point varié? A la rigueur, si officiels qu’ils soient, deux ta-
bleaux des dynasties peuvent donc ne pas avoir une rédaction iden-
tique. C’est ainsi, par exemple, que Ser (n° 47) sera sur le Papyrus
de Turin (Fr. 18) le chef d’une famille, et le cinquième roi d’une
dynastie dans Manéthon. De la simultanéité de plusieurs dynasties
et de la nécessité de faire un choix entre elles, il s’ensuit donc que
tous les rois que les monuments nous révèlent peuvent ne pas être
dans Manéthon, surtout quand ces monuments sont comme la Table
de Saqqarah, de ceux qui ne visent pas directement à l’histoire.
Accorder une foi trop aveugle aux tableaux du genre de celui dont
nous nous occupons, serait, par conséquent, nous exposer à mille
périls. A première vue, ces longues files de cartouches semblent ca-
pables de nous rendre à elles seules l’histoire de toute une monar-
chie; mais, eu les examinant de près, on voit que Ton commettrait
une faute si, de leur apparente richesse, on concluait que nécesssai-
rement elles vont nous servir à placer une pierre inébranlable dans
les fondements de la chronologie.
C’est parce qu’elle échappe en partie à ces reproches, c’est parce
que, tout en pouvant faire autrement sans faillir à son but, elle n’a
pas défiguré les éléments précieux dont elle s’est servie, que la Table
de Saqqarah est un monument exceptionnel. Par elle, en effet, nous
pénétrons, pour la première fois, d’un pas assuré dans les dix pre-
mières dynasties de Manéthon, jusqu’ici si confuses. Là est la véri-
table obligation que nous lui devons.
Aug. Mariette.
Boulaq, 20 mai 1864.
les rois de lahaute et de la basse Égypte, même quand ils ne l’étaient
pas. Mais, quoique ne figurant pas dans les listes officielles, les pré-
tendants exclus n’en auraient pas moins régné quelque part, et il
n’est pas impossible qu’en certain temps et en certains lieux on ait
tenu à évoquer leur souvenir. Qui nous dit, d’un autre côté, que les
rois proclamés légitimes par les contemporains de Ramsès il ne fu-
rent pas traités en usurpateurs, mille ans plus tard, par les contem-
porains de Philadelphe? qui nous dit que, selon les localités et les
idées politiques du moment, les annales égyptiennes elles-mêmes
n’ont point varié? A la rigueur, si officiels qu’ils soient, deux ta-
bleaux des dynasties peuvent donc ne pas avoir une rédaction iden-
tique. C’est ainsi, par exemple, que Ser (n° 47) sera sur le Papyrus
de Turin (Fr. 18) le chef d’une famille, et le cinquième roi d’une
dynastie dans Manéthon. De la simultanéité de plusieurs dynasties
et de la nécessité de faire un choix entre elles, il s’ensuit donc que
tous les rois que les monuments nous révèlent peuvent ne pas être
dans Manéthon, surtout quand ces monuments sont comme la Table
de Saqqarah, de ceux qui ne visent pas directement à l’histoire.
Accorder une foi trop aveugle aux tableaux du genre de celui dont
nous nous occupons, serait, par conséquent, nous exposer à mille
périls. A première vue, ces longues files de cartouches semblent ca-
pables de nous rendre à elles seules l’histoire de toute une monar-
chie; mais, eu les examinant de près, on voit que Ton commettrait
une faute si, de leur apparente richesse, on concluait que nécesssai-
rement elles vont nous servir à placer une pierre inébranlable dans
les fondements de la chronologie.
C’est parce qu’elle échappe en partie à ces reproches, c’est parce
que, tout en pouvant faire autrement sans faillir à son but, elle n’a
pas défiguré les éléments précieux dont elle s’est servie, que la Table
de Saqqarah est un monument exceptionnel. Par elle, en effet, nous
pénétrons, pour la première fois, d’un pas assuré dans les dix pre-
mières dynasties de Manéthon, jusqu’ici si confuses. Là est la véri-
table obligation que nous lui devons.
Aug. Mariette.
Boulaq, 20 mai 1864.