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MONUMENTS DE L'ART ANTIQUE.
tuaire de la grande divinité nationale des Arméniens, Anahit, en grec Anaïtis.
Ce sanctuaire était si célèbre que Pline désigne l'Acilisène par le nom d'Anaïtide1,
et peut-être le district était-il, en effet, la propriété de la déesse. Les rois d Ar-
ménie venaient faire leurs dévotions dans le temple d'Eriza et y accumulaient
leurs offrandes2. La statue même de la déesse était, au dire de Pline, en or
massif : aussi Antoine s'en empara-t-il pendant son expédition contre les Parthes
pour en distribuer les fragments à ses officiers'.
Comme lTstar de l'Assyrie, l'Ascbtoreth de Sidon, la Tanit de Carthage,
Anahit était une déesse à la fois vierge et féconde, guerrière et lascive, don-
nant également la vie et la mort. Dans son culte se retrouvait l'usage de ces
prostitutions sacrées qu'Hérodote mentionne en Assyrie et qui existèrent éga-
lement chez les Phéniciens. Les jeunes filles des grandes familles arméniennes
étaient, avant leur mariage, consacrées pendant quelque temps à la déesse et
sacrifiaient en son honneur leur virginité4. Aussi, quoique les Grecs l'aient
appelée Artémis, et que les historiens arméniens, Moïse de Khorène, entre
autres, aient adopté cette identification, le nom qui lui convient le mieux est
celui d'Aphrodites. Le culte d'Aphrodite à Corinthe, par exemple, présente
exactement les mêmes singularités. Lorsque Bérose, homme particulièrement
instruit des choses de l'Asie, raconte comment Artaxercès Mnémon fit élever,
dans les principales villes de son empire, à Babylone, à Suse, à Ecbatane,
à Bactres, à Sardes, à Damas, des temples et des statues d'Anaïtis, c'est à
Aphrodite qu'il l'assimile6, et l'on a déjà remarqué que c'est précisément à l'époque
où le grand roi manifestait cette dévotion extrême pour la déesse des plaisirs
sensuels qu'une des villes grecques comprises dans son empire, Cnide, admet-
tait dans un de ses temples une image d'Aphrodite d'un type tout nouveau
pour les Hellènes, une statue qui représentait la déesse nue comme une cour-
tisane : je parle du fameux marbre de Praxitèle.
La trouvaille d'une statue d'Aphrodite dans une ville consacrée tout entière
à Anaïtis, et peut-être sur l'emplacement même du sanctuaire de cette déesse,
n'a donc rien de surprenant; car il n'y a pas de confusion possible : c'est bien
une Aphrodite, et non pas une Artémis, que représente le bronze du British
Muséum. Mais à quelle époque ce bronze a-t-il été porté à Eriza? Est-ce lorsque
Artaxercès donna dans ses États un nouveau lustre au culte d'Anaïtis? Est-ce
lorsque, au dernier siècle avant l'ère chrétienne, les rois Artaxias et Tigrane
1. Pline : H. N., V, 20.
2. Agathange, p. 45-46, 586-588. — Moïse de Khorène, II, 60.
3. Pline : H. N., XXXIII, 24.
4. Strabon, XI, xiv, 16.
5. Moïse de Khorène, 1. II, ch. 14 et 60.
6. Bérose, dans Clément d'Alexandrie : protrept. I, 5, p. 19, éd. Sylburg.
- Cf. Plutarque, Ariaxerxes, 2
MONUMENTS DE L'ART ANTIQUE.
tuaire de la grande divinité nationale des Arméniens, Anahit, en grec Anaïtis.
Ce sanctuaire était si célèbre que Pline désigne l'Acilisène par le nom d'Anaïtide1,
et peut-être le district était-il, en effet, la propriété de la déesse. Les rois d Ar-
ménie venaient faire leurs dévotions dans le temple d'Eriza et y accumulaient
leurs offrandes2. La statue même de la déesse était, au dire de Pline, en or
massif : aussi Antoine s'en empara-t-il pendant son expédition contre les Parthes
pour en distribuer les fragments à ses officiers'.
Comme lTstar de l'Assyrie, l'Ascbtoreth de Sidon, la Tanit de Carthage,
Anahit était une déesse à la fois vierge et féconde, guerrière et lascive, don-
nant également la vie et la mort. Dans son culte se retrouvait l'usage de ces
prostitutions sacrées qu'Hérodote mentionne en Assyrie et qui existèrent éga-
lement chez les Phéniciens. Les jeunes filles des grandes familles arméniennes
étaient, avant leur mariage, consacrées pendant quelque temps à la déesse et
sacrifiaient en son honneur leur virginité4. Aussi, quoique les Grecs l'aient
appelée Artémis, et que les historiens arméniens, Moïse de Khorène, entre
autres, aient adopté cette identification, le nom qui lui convient le mieux est
celui d'Aphrodites. Le culte d'Aphrodite à Corinthe, par exemple, présente
exactement les mêmes singularités. Lorsque Bérose, homme particulièrement
instruit des choses de l'Asie, raconte comment Artaxercès Mnémon fit élever,
dans les principales villes de son empire, à Babylone, à Suse, à Ecbatane,
à Bactres, à Sardes, à Damas, des temples et des statues d'Anaïtis, c'est à
Aphrodite qu'il l'assimile6, et l'on a déjà remarqué que c'est précisément à l'époque
où le grand roi manifestait cette dévotion extrême pour la déesse des plaisirs
sensuels qu'une des villes grecques comprises dans son empire, Cnide, admet-
tait dans un de ses temples une image d'Aphrodite d'un type tout nouveau
pour les Hellènes, une statue qui représentait la déesse nue comme une cour-
tisane : je parle du fameux marbre de Praxitèle.
La trouvaille d'une statue d'Aphrodite dans une ville consacrée tout entière
à Anaïtis, et peut-être sur l'emplacement même du sanctuaire de cette déesse,
n'a donc rien de surprenant; car il n'y a pas de confusion possible : c'est bien
une Aphrodite, et non pas une Artémis, que représente le bronze du British
Muséum. Mais à quelle époque ce bronze a-t-il été porté à Eriza? Est-ce lorsque
Artaxercès donna dans ses États un nouveau lustre au culte d'Anaïtis? Est-ce
lorsque, au dernier siècle avant l'ère chrétienne, les rois Artaxias et Tigrane
1. Pline : H. N., V, 20.
2. Agathange, p. 45-46, 586-588. — Moïse de Khorène, II, 60.
3. Pline : H. N., XXXIII, 24.
4. Strabon, XI, xiv, 16.
5. Moïse de Khorène, 1. II, ch. 14 et 60.
6. Bérose, dans Clément d'Alexandrie : protrept. I, 5, p. 19, éd. Sylburg.
- Cf. Plutarque, Ariaxerxes, 2