ÎL 51,
VICTOIRE
STATUE EN MARBRE TROUVÉE A SAMOTHRACE
(Musée du Louvre)
A l'exception de la Crète, aucune île de la mer Egée n'est plus haute et plus
escarpée que Samothrace. C'est un gros bloc de rocher, long de 20 kilomètres et
large de 12, dont le littoral est accore, et dont le sommet, le mont Phengari, s'élève
à plus de 1,750 mètres. De là le regard s'étend sur une étendue immense : au nord,
à une quarantaine de kilomètres, la côte de Thrace, depuis le golfe de Saros jusqu'à
l'île de Thasos, presque confondue avec la terre; à l'ouest, la cime nettement décou-
pée de l'Athos et les montagnes de la Chalcidique; à l'est, la presqu'île de Galli-
poli, qui masque le canal des Dardanelles; au sud enfin, Lemnos et Imbros, et,
par-dessus cette dernière, les côtes de la Troade, et l'Ida perdu dans les vapeurs
de l'horizon.
L'île est formée en grande partie de roches ignées et n'a que peu de terres culti-
vables : aussi a-t-elle toujours été pauvre, mal peuplée, et est-elle restée sans histoire.
En 480, elle fournit un vaisseau à la flotte de Xerxès, et môme ce vaisseau se distingua
à Salamine en coulant une galère athénienne; ce haut fait peu glorieux, et dont une
galère d'Egine tira aussitôt vengeance, est presque la seule occasion que les écri-
vains grecs aient eue de prononcer le nom de Samothrace. Rien n'appellerait l'at-
tention sur elle, si elle n'avait possédé un très antique sanctuaire de ces divinités
étranges que les Grecs désignaient par le nom de Grands Dieux ou de Cabires".
De nombreux fidèles venaient de toutes les parties de la Grèce se faire initier à leur
culte, et beaucoup de villes se faisaient représenter par des envoyés ou théores à
la célébration de leurs fêtes. Dans la seconde moitié du ive siècle, lorsque la foi
dans la puissance des vieilles divinités de l'Olympe commença à s'affaiblir, et que
la crédulité populaire, ne se trouvant plus satisfaite par les religions nationales,
1. Sur ces dieux, voyez Fr. Lenormant : Cabiri, dans le Dictionnaire des antiquités de Saglio et Daremberg.
VICTOIRE
STATUE EN MARBRE TROUVÉE A SAMOTHRACE
(Musée du Louvre)
A l'exception de la Crète, aucune île de la mer Egée n'est plus haute et plus
escarpée que Samothrace. C'est un gros bloc de rocher, long de 20 kilomètres et
large de 12, dont le littoral est accore, et dont le sommet, le mont Phengari, s'élève
à plus de 1,750 mètres. De là le regard s'étend sur une étendue immense : au nord,
à une quarantaine de kilomètres, la côte de Thrace, depuis le golfe de Saros jusqu'à
l'île de Thasos, presque confondue avec la terre; à l'ouest, la cime nettement décou-
pée de l'Athos et les montagnes de la Chalcidique; à l'est, la presqu'île de Galli-
poli, qui masque le canal des Dardanelles; au sud enfin, Lemnos et Imbros, et,
par-dessus cette dernière, les côtes de la Troade, et l'Ida perdu dans les vapeurs
de l'horizon.
L'île est formée en grande partie de roches ignées et n'a que peu de terres culti-
vables : aussi a-t-elle toujours été pauvre, mal peuplée, et est-elle restée sans histoire.
En 480, elle fournit un vaisseau à la flotte de Xerxès, et môme ce vaisseau se distingua
à Salamine en coulant une galère athénienne; ce haut fait peu glorieux, et dont une
galère d'Egine tira aussitôt vengeance, est presque la seule occasion que les écri-
vains grecs aient eue de prononcer le nom de Samothrace. Rien n'appellerait l'at-
tention sur elle, si elle n'avait possédé un très antique sanctuaire de ces divinités
étranges que les Grecs désignaient par le nom de Grands Dieux ou de Cabires".
De nombreux fidèles venaient de toutes les parties de la Grèce se faire initier à leur
culte, et beaucoup de villes se faisaient représenter par des envoyés ou théores à
la célébration de leurs fêtes. Dans la seconde moitié du ive siècle, lorsque la foi
dans la puissance des vieilles divinités de l'Olympe commença à s'affaiblir, et que
la crédulité populaire, ne se trouvant plus satisfaite par les religions nationales,
1. Sur ces dieux, voyez Fr. Lenormant : Cabiri, dans le Dictionnaire des antiquités de Saglio et Daremberg.