MONUMENTS DE L'ART ANTIQUE.
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Cet espoir a été déçu. Mais à défaut de fragments conservés on peut chercher,
sans trop de présomption, à se figurer cette statue. Malgré une certaine apparence
de force qui a fait penser à un Hercule ou à un athlète, cette tête ne me paraît
pas être celle d'un lutteur attentif au combat : elle est trop penchée et le cou
n'est pas tendu avec l'effort que suppose l'action de viser un adversaire pour le
frapper ou s'en défendre. La direction du regard est aussi trop basse: on voit à la
prunelle que le point fixé par l'œil n'est pas à hauteur d'homme, mais qu'il est par
terre et à une certaine distance ; c'est un but vers lequel il s'agit de lancer quel-
que objet avec sûreté. Je me représente un discobole ou quelque sujet analogue.
S'il est possible de faire ainsi sur la destination primitive de ce buste quelques
conjectures vraisemblables, il faut presque y renoncer pour l'autre buste, la tête
juvénile aux longs cheveux'. La figure est celle d'un éphèbe, à cet âge indécis de
l'adolescence où le corps se forme à peine et conserve encore de l'enfance une cer-
taine délicatesse féminine. Ce qui frappe tout d'abord, c'est l'expression étrange,
l'air hagard, je dirais presque l'hébétement de cette tête penchée en avant, immobile
dans une sorte de stupeur égarée, la bouche entr'ouverte, la chevelure pendante,
l'œil fixe, les regards perdus et comme noyés dans une contemplation vague.
Le visage est amaigri et de larges sillons creusés autour des yeux trahissent la
fatigue d'un long accablement. Est-ce l'égarement d'une folie bachique? Est-ce
le désespoir d'une passion dévorante? Est-ce l'abandon insensé d'un Narcisse
fasciné par l'image trompeuse de sa propre beauté? Il faut nous résoudre à
l'ignorer, faute de connaître la statue dont cette tête, comme la précédente, a dù
être détachée. A la disposition des boucles au-dessus du front et à certaines
traces laissées sur le métal, on voit que la tête portait une couronne, qui, étant
appliquée sur le bronze, était très probablement en or. Cet attribut conviendrait
à plus d'un personnage et nous ne pouvons que le signaler sans en tirer aucune
conclusion précise.
Quel que soit le nom qu'on veuille donner à ce buste, on ne peut s'empêcher
d'admirer tout ce qu'il y a de vivant à la fois et de mystérieux dans cette figure
maladive; jusqu'au type, tout concourt à l'expression d'abattement. Au lieu de
l'ovale classique et de ces contours fermes sous lesquels on devine la force d'un
sang jeune et sain, voici un visage anguleux, large aux tempes, étroit vers le
menton, lequel est court et un peu fuyant. La saillie des pommettes est nette-
ment accusée et la courbe des joues est si peu arrondie qu'elle est à peine sen-
sible, et que des pommettes au menton le profil est presque en ligne droite.
Il y a là quelque chose du type italien, type un peu sec, avec une apparence de
fièvre jusque dans la santé, tel qu'on le rencontre à chaque pas en pays toscan.
i. Antichità di Ercolano, Bronii, I, pl. 73-74.
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Cet espoir a été déçu. Mais à défaut de fragments conservés on peut chercher,
sans trop de présomption, à se figurer cette statue. Malgré une certaine apparence
de force qui a fait penser à un Hercule ou à un athlète, cette tête ne me paraît
pas être celle d'un lutteur attentif au combat : elle est trop penchée et le cou
n'est pas tendu avec l'effort que suppose l'action de viser un adversaire pour le
frapper ou s'en défendre. La direction du regard est aussi trop basse: on voit à la
prunelle que le point fixé par l'œil n'est pas à hauteur d'homme, mais qu'il est par
terre et à une certaine distance ; c'est un but vers lequel il s'agit de lancer quel-
que objet avec sûreté. Je me représente un discobole ou quelque sujet analogue.
S'il est possible de faire ainsi sur la destination primitive de ce buste quelques
conjectures vraisemblables, il faut presque y renoncer pour l'autre buste, la tête
juvénile aux longs cheveux'. La figure est celle d'un éphèbe, à cet âge indécis de
l'adolescence où le corps se forme à peine et conserve encore de l'enfance une cer-
taine délicatesse féminine. Ce qui frappe tout d'abord, c'est l'expression étrange,
l'air hagard, je dirais presque l'hébétement de cette tête penchée en avant, immobile
dans une sorte de stupeur égarée, la bouche entr'ouverte, la chevelure pendante,
l'œil fixe, les regards perdus et comme noyés dans une contemplation vague.
Le visage est amaigri et de larges sillons creusés autour des yeux trahissent la
fatigue d'un long accablement. Est-ce l'égarement d'une folie bachique? Est-ce
le désespoir d'une passion dévorante? Est-ce l'abandon insensé d'un Narcisse
fasciné par l'image trompeuse de sa propre beauté? Il faut nous résoudre à
l'ignorer, faute de connaître la statue dont cette tête, comme la précédente, a dù
être détachée. A la disposition des boucles au-dessus du front et à certaines
traces laissées sur le métal, on voit que la tête portait une couronne, qui, étant
appliquée sur le bronze, était très probablement en or. Cet attribut conviendrait
à plus d'un personnage et nous ne pouvons que le signaler sans en tirer aucune
conclusion précise.
Quel que soit le nom qu'on veuille donner à ce buste, on ne peut s'empêcher
d'admirer tout ce qu'il y a de vivant à la fois et de mystérieux dans cette figure
maladive; jusqu'au type, tout concourt à l'expression d'abattement. Au lieu de
l'ovale classique et de ces contours fermes sous lesquels on devine la force d'un
sang jeune et sain, voici un visage anguleux, large aux tempes, étroit vers le
menton, lequel est court et un peu fuyant. La saillie des pommettes est nette-
ment accusée et la courbe des joues est si peu arrondie qu'elle est à peine sen-
sible, et que des pommettes au menton le profil est presque en ligne droite.
Il y a là quelque chose du type italien, type un peu sec, avec une apparence de
fièvre jusque dans la santé, tel qu'on le rencontre à chaque pas en pays toscan.
i. Antichità di Ercolano, Bronii, I, pl. 73-74.