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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 8.1882 (Teil 2)

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Chesneau, Ernest: Eugène Delacroix, [2]
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https://doi.org/10.11588/diglit.19459#0127

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io8

L'ART.

des députés à quel point il en était maître. Je parle des combinaisons purement décoratives où
les accessoires et l'ornement jouent le rôle principal. On peut voir, dans le Salon du Roi ou des
Fleuves de cette même Chambre des députés tout entier décoré par le maître, quelles prodi-
gieuses ressources d'invention il a mises en œuvre dans cet admirable travail trop peu connu.
Et quelle rare conscience il apportait à l'exécution des grandes pages décoratives qui lui furent
confiées ! Chargé de peindre le motif central du plafond de la Galerie d'Apollon au Louvre :
Apollon vainqueur du serpent Python, et voulant maintenir la plus parfaite unité entre son
œuvre propre et le milieu destiné à la recevoir, il commença par dessiner l'ordonnance architec-
turale où son plafond allait s'encadrer, interprétation splendide de la somptueuse bordure restaurée
d'après les modèles fournis par Le Brun, motif magnifique d'ailleurs et dont l'éclat et les
complications fastueuses ont déterminé les formes mouvementées et les colorations puissantes
auxquelles s'est arrêtée la volonté réfléchie du maître.

Vingt fois, dans la décoration de la bibliothèque de la Chambre des députés, Eugène
Delacroix a su remplir avec la plus rare abondance d'invention le cadre exceptionnel que présentait
chacun des pendentifs des cinq petites coupoles. La base étroite de l'hexagone irrégulier offrait
de singulières difficultés au développement de la composition qui cependant devait être assise
dans le sens de la largeur. Delacroix, qui est le plus grand génie décoratif du xixe siècle, en a
triomphé sans jamais se répéter et avec un bonheur d'imagination toujours renouvelé. Les vingt
pendentifs exécutés peuvent être vus et étudiés sur place; mais que de projets qui n'ont pas été
réalisés et qui ont été retrouvés dans les cartons du maître après sa mort ! Il en est un : Jeunes
filles de Sparte s'exerçant à la lutte. Rien ne saurait exprimer la noblesse et la grâce touchante
de ces exercices charmants, l'élégance des mouvements, l'aisance des attitudes, la souplesse et la
force de ces jeunes corps, la science de la construction, la beauté des emmanchements. Cela
rappelle dans une forme d'art plus haute l'admirable sentiment d'un tableau qui appartenait à feu
M. Maurice Cottier : Jeune tigre jouant avec sa mère. Ce qui nous arrête tout spécialement au
point de vue de la composition, c'est la grandeur des groupes considérés isolément, et l'aspect
décoratif de l'ensemble compris à la façon d'un bas-relief. Il n'y a pas un détail dans cet ensemble
immense qui ne fournirait matière à de précieuses études. J'en cite un exemple. Chacune des
cinq coupoles de la bibliothèque de la Chambre des députés est divisée en quatre parties reliées
à l'intersection par une bande d'ornements. Le centre de chaque bande est occupé par un
mascaron différent. M. Fabius Brest a recueilli le dessin de l'un d'eux dans les débris de l'atelier
du maître qui furent vendus sur place après la vente posthume. Elle était pourtant bien digne
de figurer aux solennelles enchères de l'hôtel Drouot cette superbe tête de jeune femme au regard
profond, aux traits calmes, purs et si nobles. Quel beau modèle cela ferait pour nos écoles de
dessin ! Le procédé est là d'une simplicité extrême : le ton chaud du papier goudron fournit une
demi-teinte puissante, les ombres sont obtenues par un lavis de sépia rehaussé d'huile. Les
hachures largement tracées accentuent le caractère de la forme et lui donnent un relief saisissant.
Delacroix est ici sculpteur autant que peintre. En raison de la place qu'elle occupe dans la
décoration de la bibliothèque de la Chambre des députés, il a fait venir la lumière par dessous ;
c'est ainsi que sont éclairés au théâtre les visages des comédiens. Ce renversement de la lumière
ajoute un attrait de curiosité à l'effet puissant du modelé en cette simple tête décorative. De tels
exemples de perfection se rencontrent couramment dans l'œuvre d'Eugène Delacroix. Quelle
réponse écrasante au préjugé qui contrairement à l'évidence a si longtemps affirmé que cet
admirable coloriste ne savait pas dessiner !

Il faut conclure. Je demande la permission de reproduire ici quelques lignes d'une étude que
je publiais au lendemain de la mort du maître (14 août 1863). Je n'ai rien à changer de ce que
je disais alors :

« L'œuvre d'Eugène Delacroix contient la sensation, l'émotion constante, l'émotion aiguë qui
conduit en un instant le spectateur par toutes les phases de l'activité intellectuelle surexcitée.
L'idée fixe du maître, si je ne me trompe pas, a été de rendre pour ainsi dire palpables, visibles
au moyen des couleurs et des formes, les combats qui s'agitent au secret des âmes. Que lui
 
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