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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 8.1882 (Teil 2)

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Guibert, Louis: L' orfévrerie limousine au milieu du XVIIe siècle
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https://doi.org/10.11588/diglit.19459#0181

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156

L'ART.

Le 2, il commence ses opérations. La Monnaie a sa pre-
mière visite : il s'y rend dès le matin et trouve le maître parti-
culier, Léonard Guibert, au travail avec un monnayeur du
nom de Léonard Nicolas. Le commissaire envoie sur-le-champ
chercher Jacques de Douhet et David de Romanet, juges-
gardes. Ceux-ci arrivent et il procède, en leur présence, à
diverses constatations. Guibert lui remet le livre d'achat des
matières d'or et d'argent et le registre des délivrances remises
aux ateliers des matières destinées à être monnayées. Après
les avoir examinés et retenus pour procéder à leur vérification,
Béquart entreprend, accompagné des deux juges-gardes et de
leur greffier en chef, Barthélémy Moulinier, la visite des ate-
liers d'orfèvres de la ville.

Limoges qui, vingt années plus tôt, ne comptait pas moins
de seize à dix-huit de ces ateliers, en possède seulement dix à
cette époque : on va voir à quel misérable état se trouve
réduite cette industrie et dans quelles conditions précaires elle
est exercée.

Le commissaire du roi commence sa tournée par la bou-
tique de Jacques Blanchard; celui-ci « n'a pour le moment
aucun ouvrage, et n'en fait que de l'or et l'argent qui luy est
donné par ceux qui le font travailler, n'ayant moyen de faire
provision de matières ». On se borne donc à vérifier ses poids
et à constater, sur la déclaration de Blanchard, qu'il fait com-
munément ses ouvrages à vingt-deux carats et onze deniers
douze grains.

Le second artisan qui reçoit la visite de Béquart est Jean
Veyrier, « maistre orpheuvre et juré dudit mestier ». Veyrier
n'a aucun ouvrage en fabrication ; celui qu'il fait est à vingt-
deux carats onze deniers douze grains, comme celui de Jacques
Blanchard : c'est, du reste, le titre adopté à Limoges. Il déclare
de plus qu'il a régulièrement visité, en qualité de juré, les
boutiques des gens du métier et qu'il n'a eu à relever aucune
contravention.

Le même jour, le commissaire se présente chez Domi-
nique Moret (Mouret), qui lui assure n'avoir pas travaillé
depuis six ans; puis chez François Guibert1, qui, lui aussi, a
depuis longtemps abandonné l'exercice de la profession d'or-
fèvre. Il en est de même de François Cellière, qui a perdu la
vue. Antoine Thillet, commis-essayeur à la Monnaie, ne se
trouve pas à son domicile; mais on assure à Béquart qu'il sort
fort peu de chose de son atelier.

Les inspecteurs sont plus heureux chez Jean Ardant jeune,
qu'ils trouvent travaillant à une bague d'or; sa boutique d'ail-
leurs ne renferme aucun objet de prix. La bague est saisie
pour être soumise à l'essai.

Trois ateliers ou boutiques sont encore visités : ceux de
Pierre Guibert, qui est en même temps monnayeur et qui
déclare n'avoir fabriqué aucun ouvrage d'orfèvrerie depuis
plus de vingt ans ; — de Jean Thillet, qui est absent comme
son homonyme Antoine et dont le commerce est nul;— et de
Léonard Cellière, qui travaille fort peu et n'a en magasin
d'autres objets que des demi-ceints.

Le 3 mai est un dimanche : Béquart interrompt ses opéra-
tions ppur les reprendre le lendemain. Il va successivement,
le 4 et jours suivants, chez Jacques Malombre, Martial Sar-

dine, Madeleine Seduiraud, veuve de Pierre Sardine; François
Guibert, Simon Briance et Pierre Boussiot, tous maîtres balan-
ciers, à l'exception du dernier : celui-ci travaille pour les
autres; il ne s'est pas fait recevoir maître parce qu'on exigeait
pour son admission une trop forte somme. Le commissaire
ordonne que Boussiot sera tenu de se faire recevoir. Partout
où il a passé, Béquart a vérifié les poids et les étalons. Procès-
verbal de chaque visite a été dressé et signé de l'intéressé.
Détail à noter : sauf Boussiot, tous savent écrire.

Après avoir fait contrôler par l'essayeur de la monnaie la
bague saisie chez Jean Ardant, laquelle est reconnue de bon
aloi, vérifié les comptes du monnayage et les livres de l'essai,
commis François Paignon pour contre-garde; enfin, le 7 mai,
fait publier derechef la défense d'employer d'autres poids que
ceux étalonnés à Limoges, le commissaire royal part pour
Aubusson. Nous n'avons pas cru devoir l'accompagner plus
loin dans sa tournée.

Résumons les indications, malheureusement incomplètes,
qui nous sont données par ce curieux document :

Sur dix orfèvres habitant Limoges en 1G48, six ont aban-
donné la profession ou ne travaillent presque plus; quatre ate-
liers seulement sont en activité, ceux de Jean Veyrier, Jacques
Blanchard, Jean Ardant jeune et Léonard Cellière, et les indi-
cations des procès-verbaux dressés par le commissaire royal
dénotent le peu d'importance de leur fabrication. Les « argen-
tiers de Limoges ne sont plus des artistes, mais des artisans
ordinaires, quelques-uns de simples marchands.

On peut faire large, aussi large qu'on voudra, la part qu'il
faut toujours réserver, dans les pièces officielles, à l'erreur,
aux réticences, aux dissimulations des intéressés : le document
que nous venons d'analyser n'en établit pas moins, avec trop
d'évidence, l'état vraiment pitoyable de l'orfèvrerie limousine
à l'époque où nous nous plaçons. Aussi nous expliquons-nous
fort bien que, trois ans auparavant, on ait cru devoir s'adres-
ser à Paris pour acheter les châsses de saint Martiale! de saint
Loup. Qui eût été capable de les fabriquera Limoges? Un des
orfèvres que nous venons de nommer eût-il même osé se
charger d'un ouvrage aussi considérable? L'atelier de Léonard
Boysse paraît être le dernier où l'on ait exécuté des morceaux
de quelque importance.

Un fait nous frappe surtout et nous paraît bien concluant
Nous avons avec intention rapporté tous les renseignements
donnés par les procès-verbaux du commissaire sur les orfèvres
de Saint-Léonard. Ceux-ci, deux d'entre eux tout au moins,
appartiennent à d'anciennes familles de cette ville; or, les
deux Fargeaud ont fait leur apprentissage à Paris; Pradellas, à
Bordeaux. Pas un ne sort d'un atelier de Limoges, et Limoges
est à trois ou quatre heures à peine de Saint-Léonard. Voilà
donc de quelle réputation'jouit, dès le milieu du xvn" siècle,
la fabrication jadis si renommée de la capitale du Limousin,
et quelle opinion on a, aux portes de la ville, de la valeur des
maîtres qu'y pourrait trouver un apprenti.

Ces simples indications ne nous paraissent pas comporter
de plus longs développements; mais elles ont assurément leur
prix et il n'était pas inutile de les noter.

Louis Guibert.

1. Dominique Mouret, François Guibert et plusieurs autres ont laissé des émaux d'une médiocre valeur artistique.
 
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