68 L'ART
dans toute sa force que lorsqu'elle s'applique à l'interprétation des tableaux de Poussin ; Nanteuil
n'a gravé que des portraits, soit d'après ses propres dessins, soit d'après Le Brun, Mignard et
quelques autres peintres français contemporains; Edelinck, au contraire, a su avec un égal succès
traiter tous les sujets, reproduire des modèles de tous les genres.
Quand on parcourt l'ensemble des ouvrages laissés par Edelinck, la première impression est
celle de l'étonnement en face des témoignages d'une pareille fécondité et, nous ne saurions trop
le redire, d'une souplesse aussi rare dans les formes du talent. Contrairement à la coutume des
autres maîtres graveurs, à quelque temps ou à quelque école qu'ils appartiennent, Edelinck n'a
pas, à proprement parler, une manière, — j'entends une méthode d'exécution fixe, procédant
Martin Desjardins. — Gravure d'Édelinck, d'après Rigaud.
d'un goût et d'un sentiment immuables, d'une doctrine une fois adoptée. Il a le don de se
renouveler en proportion de la diversité des tâches qu'il accepte, l'art de subordonner au sens
exprès de ses modèles non seulement les opérations de son intelligence, mais jusqu'aux procédés
dont il use. Sans doute, la nature de ces procédés est forcément invariable. Edelinck, comme
tout graveur au burin, ne dispose d'autres moyens d'expression pour sa pensée, d'autres ressources
pour rendre les tons ou les formes, que de tailles à creuser plus ou moins profondément dans le
cuivre, ou à entrecroiser de plus ou moins près; mais il sait si bien féconder ces arides éléments
de travail, les amener à produire des résultats si imprévus et, suivant les cas, des effets si
brillants ou si simples ; il sait, en un mot, selon les caractères du modèle, varier avec un tel
à-propos ses intentions et ses calculs, qu'on oublie presque, en voyant ses ouvrages, l'uniformité
des moyens matériels auxquels on les doit. C'est le même artiste, mais, en apparence, est-ce le
dans toute sa force que lorsqu'elle s'applique à l'interprétation des tableaux de Poussin ; Nanteuil
n'a gravé que des portraits, soit d'après ses propres dessins, soit d'après Le Brun, Mignard et
quelques autres peintres français contemporains; Edelinck, au contraire, a su avec un égal succès
traiter tous les sujets, reproduire des modèles de tous les genres.
Quand on parcourt l'ensemble des ouvrages laissés par Edelinck, la première impression est
celle de l'étonnement en face des témoignages d'une pareille fécondité et, nous ne saurions trop
le redire, d'une souplesse aussi rare dans les formes du talent. Contrairement à la coutume des
autres maîtres graveurs, à quelque temps ou à quelque école qu'ils appartiennent, Edelinck n'a
pas, à proprement parler, une manière, — j'entends une méthode d'exécution fixe, procédant
Martin Desjardins. — Gravure d'Édelinck, d'après Rigaud.
d'un goût et d'un sentiment immuables, d'une doctrine une fois adoptée. Il a le don de se
renouveler en proportion de la diversité des tâches qu'il accepte, l'art de subordonner au sens
exprès de ses modèles non seulement les opérations de son intelligence, mais jusqu'aux procédés
dont il use. Sans doute, la nature de ces procédés est forcément invariable. Edelinck, comme
tout graveur au burin, ne dispose d'autres moyens d'expression pour sa pensée, d'autres ressources
pour rendre les tons ou les formes, que de tailles à creuser plus ou moins profondément dans le
cuivre, ou à entrecroiser de plus ou moins près; mais il sait si bien féconder ces arides éléments
de travail, les amener à produire des résultats si imprévus et, suivant les cas, des effets si
brillants ou si simples ; il sait, en un mot, selon les caractères du modèle, varier avec un tel
à-propos ses intentions et ses calculs, qu'on oublie presque, en voyant ses ouvrages, l'uniformité
des moyens matériels auxquels on les doit. C'est le même artiste, mais, en apparence, est-ce le