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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 12.1886 (Teil 1)

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https://doi.org/10.11588/diglit.19705#0139

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116 L'ART.

Cet excellent écrit est bien de ceux pour lesquels une j précieuses aux chatoyantes scintillations. Au milieu de ces
femme doit particulièrement se passionner. C'est un rayonnements qui jaillissent et se croisent, les formes
martyrologe suivi de la plus splendide apothéose pos- J s'accusent ou s'effacent, tantôt simplement indiquées par

thume qu'a merveilleusement retracé M. Emile Michel.

« Rembrandt, comme Shakespeare, est universel;
comme le grand poète anglais, il est profondément
humain, et il a parcouru, comme lui, toute la gamme des
sentiments qui peuvent agiter une âme 1 ». Impossible de
mieux dire. Notre auteur ne s'exprime pas avec moins de
bonheur lorsqu'il décrit une des œuvres maîtresses de ce
génie si varié.

le trait brun de l'esquisse, tantôt suivies dans leur détail,
étudiées à fond avec des ménagements extrêmes ou de
subites décisions. A tous ces contrastes s'ajoutent encore
ceux de la touche elle-même, fougueuse ou contenue,
martelée, écrasée, ou fondue et noyée dans des fluidités
onctueuses, donnée avec la brosse, la hampe ou le cou-
teau. Ici, sur des surfaces lisses, s'étale une couleur apla-
nie ; parfois même la toile est à nu, et, tout à côté, se
Je ne saurais choisir montrent des entasse-

meilleur exemple que
le célèbre Portrait de
famille du Musée de
Brunswick ; la plume
de M. Michel, en dé-
peignant ce chef-d'œu-
vre, rencontre les plus
éloquentes trouvailles
d'expressions, de vé-
ritables tonalités de
mots qui révèlent l'ar-
tiste derrière l'écri-
vain :

« On dirait que, sur
le thème très simple
qu'il a choisi, il s'est
proposé d'épuiser en
quelque sorte toutes les
ressources de la pein-
ture. La lumière est con-
centrée en plein sur les
cinq personnages : les
deux chefs de la famille
et les trois enfants. Avec
l'éclat singulier de leur
teint, l'intensité pres-
que surnaturelle de vie
qui les anime, avec l'é-
clair de leur regard, ils
semblent des appari-

ments de rugosités su-
perposées ou sabrées
.d'estafilades, et des
épaisseurs de pâte dans
lesquelles les objets
semblent modelés en
relief.

« Il y a comme une
folie dans ces emporte-
ments, et nous ne con-
naissons aucune œuvre
qui réunisse des con-
trastes aussi audacieux
et des incohérences
aussi multipliées. Et ce-
pendant, ces opposi-
tions violentes de la
touche, ces fracas de
tons, ces jeux de la
lumière, tout cela se
tempère à distance.
Eloignez-vous de quel-
ques pas, les construc-
tions se dégagent logi-
ques et puissantes, les
valeurs s'équilibrent ;
la couleur chante son
hymne radieux. La créa-
tion du maître vous
apparaît dans son unité

tions émergeant des saisissante, avec ses sé-

ténèbresaccumuléesau- Rembrandt appuyé (1639). ductions et son incom-

tour d'eux. Dans cet Eau-forte du maître. (Ch. Blanc, n« 234.) parable éclat. Que vos

effet, poussé à outrance, yeux se détournent un

il y a place pour les noirs absolus et pour les clartés les
plus vives, et entre ces termes extrêmes se déploient
les mille nuances d'insaisissables dégradations. La cou-
leur a les mêmes richesses. L'harmonie générale va du
jaune au rouge ; mais c'est le rouge qui domine avec ses
pompeuses splendeurs, avec des brutalités soudaines et
des délicatesses adorables, avec des transparences chaudes,
veloutées, profondes, et des fanfares aiguës dont quelques
dissonnances, jetées ça et là, exaltent encore la tonalité.
C'est comme un écrin merveilleux plein de coulées d'or
qui ruissellent sur un fond de pourpre et de pierres
1. Rembrandt, page 106.

moment de la toile enchanteresse, et tout ce qui l'avoi-
sine vous semblera terne, insignifiant, inerte. Votre
regard sera invinciblement ramené sur cette œuvre éton-
nante, vision et réalité tout à fois, qui joint à la flottante
poésie du rêve toute l'énergie de la vie la plus intense '. »

L'Art a fait graver par M. Daniel Mordant, un des
meilleurs disciples de notre regretté ami Léon Gaucherel,
l'œuvre décrite d'une prose si colorée par M. Emile
Michel; on ne louera jamais plus sincèrement cette belle
planche qu'en disant que l'aquafortiste s'y montre digne
de l'écrivain. L. Gauchez.

1. Rembrandt, pages 102 et io3.

Le Directeur-Gérant : EUGÈNE VÉRON.
 
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