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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 15.1889 (Teil 2)

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Gauthiez, Pierre: Exposition universelle de 1889: la danse - les théatres
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https://doi.org/10.11588/diglit.25868#0113

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EXPOSITION UNIVERSELLE PE 1SB9

LA DANSE —

i

AUX INVALIDES. — LES DANSEUSES JAVANAISES

LES CONCERTS .' CONCERT ALGÉRIEN, CONCERT TUNISIEN
LES ITALIENNES DU CAFÉ ANNAMITE ET l’eSTUDIANTINA
LE THEATRE ANNAMITE

On a beaucoup médit, parmi les artistes, du caractère
trop forain donné à l’Exposition. Il parait pourtant qu’il
faut « une Exposition pour le peuple », comme il lui fallait
jadis, dit-on, une religion. Car il faut bien reconnaître
l’évidence : les bazars, concerts, théâtres, tout ce qui fait
ressembler certaines parties de la rue du Caire aux étalages
de la rue de Rivoli, et même les villages édifiés aux Inva-
lides, rappellent vaguement la fête de Neuilly ou les fau-
bourgs de Marseille. Tout cela, banal si l’on veut et
bariolé, mais tapageur et amusant pour la foule, est la
plus sérieuse concurrence à cet autre bibelot : la Tour
Eiffel. C’est possible, mais n’y voir que cela, c’est juger
superficiellement les choses, péché mignon de bon nombre
d’artistes. Ce côté kermesse, dirait-on dans le Nord, attire
incontestablement une foule de gens qui emportent, sans
s’en rendre immédiatement compte, plus d’une impression
instructive ; et, en dehors des badauds, il y a maints visi-
teurs^ sérieux, mais peu fortunés, qui saisissent avec em-
pressement l’occasion d’étudier un coin des mœurs de
peuplades lointaines que l’Exposition leur fait connaître,
sous certains rapports, mieux que tous les récits des voya-
geurs. Ceux-ci se permettent, par exemple, au sujet des
danses et du théâtre de tel peuple du Midi ou de telle
nation de l’Orient, des descriptions enflammées dont
l’Esplanade des Invalides et le Champ de Mars révèlent
au contraire, à bien peu d’exceptions près, l’extrême exa-
gération, pour ne pas dire plus. L’art cependant a de-ci
de-là droit de cité.

Les danseuses javanaises sont-elles vraiment, comme
on l’assure, membres du corps de ballet royal ? Danseuses
de la reine ou simples bayadères accoutumées à distraire
les escadres hollandaises dans les soirées d’escale, elles
font fureur. On commence par attendre sous un abri de
chaume où l’on boit en face d’une estrade demi-circulaire.

Dans la pénombre, et derrière l’espace libre où se
déploieront les grâces des artistes, il y a toute une série de
marmites en cuivre qui font des files décroissantes. C’est
la musique. Bientôt quelques hommes noirâtres s’asseyent
devant les séries de casseroles ; ils sont vêtus de vieux
jupons, avec de très anciennes vestes qu’on croirait pro-
venir de la Belle Jardinière, si l’on ne savait que la ville
de Haarlem a la spécialité de fabriquer les étoffes de ces
défroques plus que fanées. Ils fument une cigarette qu’ils
chiquent souvent vers la fin. Ce sont les musiciens.

Lorsqu’il y a un peu plus de public que l’endroit n’en
peut contenir, les danseuses viennent prendre place sur des
chaises européennes disposées au fond de l’estrade. Les
cuivres commencent à sonner sous les bâtons des musi-
ciens. Un premier groupe se détache : une danseuse que
rejoint un danseur. Elle est habillée d’une robe en soie
bleue très simple et ses cheveux sont relevés. Lui, porte un
jupon et la veste trop parisienne que l’on sait. Tous les
deux ont les pieds nus, tous les deux ont les pieds mal-
propres. Ils se suivent, tournent, se cherchent et s’évitent.

LES THÉÂTRES

Leurs mouvements sont lents et gauches. L’extrême sou-
plesse des mains est seule remarquable : ces longues mains
pointues et grêles se renversent, se tortillent sur l’axe du
poignet sans que la paume ni les doigts perdent leur rai-
deur hiératique.

Cependant, les grands sujets ont eu le loisir de se lais-
ser voir et de promener sur la salle des regards qui, sou-
vent, démentent leur air impassible d’idoles. La première
scène n’était qu’un lever de rideau. Les vraies artistes se
décident à se produire. Leur peau brune est couverte d'une
couche de safran, comme du cuir qu’on aurait soufré.
Brillantes de verroterie, une surtout, la plus grande, arbore
une manière de casque en chrysocale, en peau, en bois,
un prodigieux assemblage de métal et d’oripeaux. Des
bracelets cerclent les bras, et les oreilles, souvent fines et
petites, sont déformées par une plaque énorme et constel-
lée qui en traverse les lobes.

Elles dansent, et c’est en somme la même évolution
lente, avec les mouvements de mains étranges. Seulement,
dans certaines passes, les pieds exécutent des glissades sin-
gulières, ils ont des ondulations souples assez agréables
aux regards. Ils ne sont d’ailleurs ni mieux protégés ni
mieux tenus que ceux des premiers artistes. La structure
en est bizarre vers la cheville. Sans doute, elle vient de ces
oscillations particulières, car les attaches n’ont plus rien
d’ordinaire, c’est un rouage tout à fait dévié. Le public
suit patiemment les phases de la danse, tolère les exaspé-
rantes monotonies des cuivres comme il supportera les cris
et les grincements des Annamites. Et il passe à d’autres
concerts.

Dans tous, il y a des danseuses. J’entendais un de nos
meilleurs poètes se plaindre qu’on donnât aux visiteurs
une idée aussi incomplète et saugrenue de l’Orient, de
l’Orient de ses rêves peut-être. Il semble pourtant, sauf
erreur, que l’on ne prétend pas représenter l’Orient tout
entier ici. On ne va point reprocher à Coppélia ou à l’Eden
de donner une fausse idée de Paris. Nous savons fort bien
que ce café maure n’est point Tunis ni Laghouât, et que
ces minarets voisins sont en carton-pierre.

Le décor du Concert algérien est agréable, avec ses
étoffes aux tons crus, adoucies par un jour tamisé à travers
des vitres colorées. Une vague odeur de parfums, de café,
de chair y persiste. Les femmes et les hommes de la troupe
sont rangés au fond, sur une scène basse. Les danseuses
sont un peu de tout âge, depuis une énorme matrone basa-
née jusqu’à la plus fine adolescente, aux yeux de gazelle,
à la bouche sensuelle et noble. La vieille et une négresse
se lèvent d’abord. C’est une série de bonds, plus ou moins
rythmés, qui font tourner le corps entier sur le ventre ou
autour du ventre. Les mains agitent des foulards. C’est
parfaitement laid. Vient ensuite la fillette aux grands yeux.
Et, décidément, les Orientales ne sont belles qu’au repos
ou dans la passion. Cette race n’est pas comédienne. Les
mines que fait la petite, les simagrées devant le miroir
qu’elle tient et tourne ressemblent à quelque parodie de
l'Air des bijoux par une Gretchen de province. Une
femme kabyle, avec son large édifice de cheveux et de
voiles, fait ensuite la danse des sabres. A chaque évolution
remarquable, les autres, musiciens, danseurs, éclatent en
cris gutturaux. C’est l’habitude dans tous ces établisse-
ments; cela remplace l’ancien trémolo ou le leitmotive.
 
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