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L’ART.
C’est encore le Musée de Versailles qui a prêté le Départ du roi Louis XVIII dans la nuit
du 20 mars', commandé à Gros, pour la somme de 10,000 francs, et exposé au Salon de 1816.
Enfin, à la galerie de M. Foucart, on a emprunté Une Jeune Femme et son enfant ; à la collec-
tion d'un autre amateur, une tête d’un modelé admirable, d’une coloration puissante et d’une
facture solide, exécutée d'après le modèle Dubosc, mort il y a quelques années en laissant à
l’École des Beaux-Arts la majeure partie d’un pécule laborieusement amassé.
Nous n’avons point à apprécier ces différentes œuvres. Ou nous permettra cependant, à
propos du Louis XVIII, d’associer ici la.mémoire de deux maîtres qui s’étaient compris, à
l’époque où le plus jeune n’était qu’un débutant : Gros et Delacroix2.
Dans une étude publiée en 1848, par la Repue des Deux-Mondes, Delacroix écrivait, en
parlant de cette œuvre C’est un des plus beaux ouvrages modernes; c’est celui qui, dans
l’œuvre de Gros, rappelle le plus ses anciens ouvrages. La scène présente un immense effet de
nuit : première difficulté dans un tableau de grande dimension. La figure de Louis XVIII, qui
Le Départ de Louis XVIII.
Fac-similé d’une gravure de Frilley, d’après le tableau de Gros. (Exposition Universelle de 1889.}
offrait de bien autres difficultés encore, est étonnante de convenance, de vie, d'expression et de
noblesse. Des serviteurs portant des flambeaux le précèdent; des gardes nationaux, des militaires
l'entourent, lui témoignent avec affection leur douleur. La confusion qui règne dans les groupes
est une beauté de plus et ne nuit pas à l'intelligence de l’action. Ce qu’il faut le plus admirer
dans ce tableau, c'est que le peintre ait su tirer cet admirable parti d'un sujet en apparence
ingrat. »
Delacroix devait bien ce juste tribut d’admiration à celui qui, spontanément, sans le connaître,
avait fait. placer, en 1822, son Dante et Virgile dans le Salon carré, après l’avoir orné à ses
frais d’une bordure dont, faute de ressources, Delacroix n’avait pu l’accompagner.
(A suivre.)
A. H U STI N.
1. Salle 71, n" 1778.
1. M. G. Dargcnty et M. Eugène Véron sont les auteurs de deux monographies magistrales de ces maîtres illustres. Le Baron Gros,
par G. Dargenty, et Eugène Delacroix, par Eugène Véron, font partie de l'admirable publication des Artistes célèbres, fondée et dirigée à la
Librairie de l’Art par M. Eugène Müntz, l’éminent historien d'art à qui est confiée la Conservation du Musée, de la Bibliothèque et des
Archives de l'Ecole Nationale des Beaux-Arts.
L’ART.
C’est encore le Musée de Versailles qui a prêté le Départ du roi Louis XVIII dans la nuit
du 20 mars', commandé à Gros, pour la somme de 10,000 francs, et exposé au Salon de 1816.
Enfin, à la galerie de M. Foucart, on a emprunté Une Jeune Femme et son enfant ; à la collec-
tion d'un autre amateur, une tête d’un modelé admirable, d’une coloration puissante et d’une
facture solide, exécutée d'après le modèle Dubosc, mort il y a quelques années en laissant à
l’École des Beaux-Arts la majeure partie d’un pécule laborieusement amassé.
Nous n’avons point à apprécier ces différentes œuvres. Ou nous permettra cependant, à
propos du Louis XVIII, d’associer ici la.mémoire de deux maîtres qui s’étaient compris, à
l’époque où le plus jeune n’était qu’un débutant : Gros et Delacroix2.
Dans une étude publiée en 1848, par la Repue des Deux-Mondes, Delacroix écrivait, en
parlant de cette œuvre C’est un des plus beaux ouvrages modernes; c’est celui qui, dans
l’œuvre de Gros, rappelle le plus ses anciens ouvrages. La scène présente un immense effet de
nuit : première difficulté dans un tableau de grande dimension. La figure de Louis XVIII, qui
Le Départ de Louis XVIII.
Fac-similé d’une gravure de Frilley, d’après le tableau de Gros. (Exposition Universelle de 1889.}
offrait de bien autres difficultés encore, est étonnante de convenance, de vie, d'expression et de
noblesse. Des serviteurs portant des flambeaux le précèdent; des gardes nationaux, des militaires
l'entourent, lui témoignent avec affection leur douleur. La confusion qui règne dans les groupes
est une beauté de plus et ne nuit pas à l'intelligence de l’action. Ce qu’il faut le plus admirer
dans ce tableau, c'est que le peintre ait su tirer cet admirable parti d'un sujet en apparence
ingrat. »
Delacroix devait bien ce juste tribut d’admiration à celui qui, spontanément, sans le connaître,
avait fait. placer, en 1822, son Dante et Virgile dans le Salon carré, après l’avoir orné à ses
frais d’une bordure dont, faute de ressources, Delacroix n’avait pu l’accompagner.
(A suivre.)
A. H U STI N.
1. Salle 71, n" 1778.
1. M. G. Dargcnty et M. Eugène Véron sont les auteurs de deux monographies magistrales de ces maîtres illustres. Le Baron Gros,
par G. Dargenty, et Eugène Delacroix, par Eugène Véron, font partie de l'admirable publication des Artistes célèbres, fondée et dirigée à la
Librairie de l’Art par M. Eugène Müntz, l’éminent historien d'art à qui est confiée la Conservation du Musée, de la Bibliothèque et des
Archives de l'Ecole Nationale des Beaux-Arts.