MENDICITÉ. 53
poséïa poésie de la misère, tant il a mis d'expression jusque clans l'avi-
lissement, dans la dégradation de la nature humaine. Deux siècles se
sont écoulés depuis Murillo, et l'on dirait que ses propres modèles se
promènent et posent au coin des rues de Séville pour consacrer l'exac-
titude d'observation avec laquelle il a rendu ses mendiants. Ce sont les
mêmes gestes, les mêmes attitudes, les mêmes coupes de physionomie,
les mêmes regards, la même carnation et les mêmes costumes. En me
remémorant certaines toiles du grand artiste, je me suis cru quelque-
fois dans son atelier, ne mettant aucune différence entre les images qui
respirent sur ses tableaux et celles qui respirent en plein air.
Les mendiants espagnols forment cinq grandes catégories, savoir :
el coscon ou soldat mal récompensé; el dios Termina, le dieu Terme;
la santurrona, l'hypocrite; el hereditario, l'héréditaire; el pobre ver-
gonzante, le pauvre honteux, qui n'a honte de rien.
Le coscon est toujours un vieux brave, qui a tué plus de Gabachos
(Français) que le désert n'a de grains de sable; le dios Termine, muet
comme une pierre, s'assied sur une borne, et tandis qu'il épie les pas-
sants, il ne semble occupé que du soin de compter les grains de son
chapelet; la santurrona, vieille débauchée sans repentir, vit des restes
de cuisine des maisons riches et se couvre de la défroque des seùoras;
el hereditario, prototype du genre, fils de mendiants et ne mettant au
monde que des mendiants, possède, à dire d'expert, le code des
truands et dirige sa curée journalière comme un guerrier dirigerait
une campagne; enfin le vergonzante jouit de l'honnête aisance d'un
bourgeois, et ne quitte ce monde qu'après avoir appelé près de son
lit un notaire chargé d'écrire son testament.
poséïa poésie de la misère, tant il a mis d'expression jusque clans l'avi-
lissement, dans la dégradation de la nature humaine. Deux siècles se
sont écoulés depuis Murillo, et l'on dirait que ses propres modèles se
promènent et posent au coin des rues de Séville pour consacrer l'exac-
titude d'observation avec laquelle il a rendu ses mendiants. Ce sont les
mêmes gestes, les mêmes attitudes, les mêmes coupes de physionomie,
les mêmes regards, la même carnation et les mêmes costumes. En me
remémorant certaines toiles du grand artiste, je me suis cru quelque-
fois dans son atelier, ne mettant aucune différence entre les images qui
respirent sur ses tableaux et celles qui respirent en plein air.
Les mendiants espagnols forment cinq grandes catégories, savoir :
el coscon ou soldat mal récompensé; el dios Termina, le dieu Terme;
la santurrona, l'hypocrite; el hereditario, l'héréditaire; el pobre ver-
gonzante, le pauvre honteux, qui n'a honte de rien.
Le coscon est toujours un vieux brave, qui a tué plus de Gabachos
(Français) que le désert n'a de grains de sable; le dios Termine, muet
comme une pierre, s'assied sur une borne, et tandis qu'il épie les pas-
sants, il ne semble occupé que du soin de compter les grains de son
chapelet; la santurrona, vieille débauchée sans repentir, vit des restes
de cuisine des maisons riches et se couvre de la défroque des seùoras;
el hereditario, prototype du genre, fils de mendiants et ne mettant au
monde que des mendiants, possède, à dire d'expert, le code des
truands et dirige sa curée journalière comme un guerrier dirigerait
une campagne; enfin le vergonzante jouit de l'honnête aisance d'un
bourgeois, et ne quitte ce monde qu'après avoir appelé près de son
lit un notaire chargé d'écrire son testament.