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Bégin, Émile Auguste Nicolas Jules; Rouargue, Émile [Ill.]; Rouargue, Adolphe [Ill.]
Voyage pittoresque en Espagne et en Portugal — Paris: Belin-Leprieur et Morizot, éditeurs, 1852

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https://doi.org/10.11588/diglit.70977#0078

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52 VOYAGE EN ESPAGNE.
marche sur le pied; mon premier mouvement est de m'excuser et de
porter la main à mon chapeau; le sien est de me la tendre. Une autre
fois, dans la cathédrale de la même ville, j'admirais cette délicieuse
composition où Murillo a si bien rendu la confiance enfantine de Jésus
conduit par un ange, lorsque le froissement d'une mantille, l'expres-
sion d'un regard qui me sembla doux et le murmure d'une bouche
encore belle, m'arrachèrent à mon étude; machinalement, je répondis
en espagnol : « Vous avez raison, c'est un des plus magnifiques ta-
bleaux de la cathédrale, » et je repris le cours de mes réflexions; mais
une minute après, on me pousse du coude, et, sous la mantille, je vois
sortir une petite main, j'entends résonner une supplication qui certes
n'avait rien de commun avec l'art. Cette habitude de demander l'au-
mône dans les églises est une des choses les plus choquantes que j'aie
observées en Espagne. Elle tient sans doute à ce que le clergé lui-même
convertit souvent ces augustes sanctuaires en débits de chapelets, de
médailles et d'images; marchandise pieuse, il est vrai, mais enfin mar-
chandise dont le débit se ferait plus convenablement dehors; cela tient
aussi peut-être à l'abus des quêtes et des troncs, vernis métallique pro-
mené sur le culte par des mains qui, sans le vouloir, en compromettent
la majesté.
Aranda de Duero, cette ancienne résidence royale, semble devenue le
quartier général des mendiants du royaume. On n'y entend retentir
qu'un vœu : Por Bios, senorito, un cuarto! una limosna ! On s'éveille,
on s'endort avec ce refrein inévitable; on le retrouve dans ses rêves,
et l'image de la cohorte mendiante vous poursuit comme celle des
spectres de Macbeth. Je me garderai bien de la peindre avec sa barbe
sale, ses cheveux à demi-rasés comme le dos des mules, avec ses jambes
d'acajou, son regard plus que fauve, avec ses cahones moins chastes
que ne le sont les statues antiques du Musée où l'œil est assuré de ren-
contrer une feuille de vigne; avec le flexible sombrero des pierrots, la
capa brune traditionnelle, et portant en sautoir, celui-ci l'outre de
voyage, pellejilo; celui-là la guitare à trois ou cinq cordes : mon ta-
bleau ferait peine.
Consultez plutôt Murillo qui, dans ses toiles fortement empreintes de
vérité, a relevé le sujet par l'excellence du faire; qui a presque corn-
 
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