LITTÉRATURE.
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ques-unes d'entre elles. Ali! si la voix du peuple est la voix de Dieu, je
réponds bien qu'elle n'est pas toujours celle du bon goût.
Moins extravagant que Lope de Vega, quoiqu'il le soit encore beau-
coup, Calderon introduisit dans ses pièces des intrigues plus simples,
écrivit avec plus de naturel et de pureté, et ne composa guère que sept
cents pièces de théâtre; c'est-à-dire six cent cinquante de trop pour les
faire passables, et six cent quatre-vingt-dix de trop pour les faire
bonnes. Du reste, au milieu de cette fécondité déplorable, chez Calderon
et chez Lope de Vega se trouvent des étincelles d'un génie dramatique
bien réel, des incidents curieux, un intérêt soutenu jusqu'à la fin.
Au-dessus d'eux je place Augustin Moreto, beaucoup moins fécond
mais plus sage, soit dans l'ordonnance du sujet, soit dans l'expression.
On a de lui une trentaine de pièces hors ligne, qui n'auraient à subir
aujourd hui que des changements légers pour soutenir dignement les
exigences du public.
Après les auteurs précités sont venus Guillen de Castro, François de
Rojas, Antoine de Solis, dont les compositions, généralement plus ré-
gulières, ne présentent pas les grands défauts de leurs devanciers,
mais n'étincellent pas non plus des qualités brillantes, éparses chez
les vieux poëtes. Les gens de goût leur accordent plus d'estime;
le peuple, au contraire, qui cherche les émotions et le merveilleux,
préférera toujours Lope de Vega, Calderon et Moreto.
Le conseil de Castille ayant défendu toutes ces comédies de cape et
d'épée, qu'il jugeait avec raison bien contraires à la morale, on se rejeta
sur les drames religieux. Calderon de la Barca lit du nouveau genre
un monopole; il composa plus de cent autos sacramentales qu'il dédia,
sans autorisation préalable , à Nuestro Senor Jesùchristo , et qui de-
vinrent la pâture journalière des théâtres de Madrid, de Tolède, de
Grenade, de Séville, etc. Aux applaudissements universels, les sacre-
ments figuraient dans les costumes que voici : le Baptême, jeune enfant
aux cheveux blonds, vêtu d'une tunique blanche; la Confirmation, pre-
mière amoureuse, primera dama, avec le costume ordinaire; la Péni-
tence, couverte de peaux de brebis, fort premier rôle, primer galan;
la Communion, deuxième amoureuse, segunda dama, vêtue modeste-
ment, vestida con decencia; l'Ordre sacerdotal, père noble, barba, avec
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ques-unes d'entre elles. Ali! si la voix du peuple est la voix de Dieu, je
réponds bien qu'elle n'est pas toujours celle du bon goût.
Moins extravagant que Lope de Vega, quoiqu'il le soit encore beau-
coup, Calderon introduisit dans ses pièces des intrigues plus simples,
écrivit avec plus de naturel et de pureté, et ne composa guère que sept
cents pièces de théâtre; c'est-à-dire six cent cinquante de trop pour les
faire passables, et six cent quatre-vingt-dix de trop pour les faire
bonnes. Du reste, au milieu de cette fécondité déplorable, chez Calderon
et chez Lope de Vega se trouvent des étincelles d'un génie dramatique
bien réel, des incidents curieux, un intérêt soutenu jusqu'à la fin.
Au-dessus d'eux je place Augustin Moreto, beaucoup moins fécond
mais plus sage, soit dans l'ordonnance du sujet, soit dans l'expression.
On a de lui une trentaine de pièces hors ligne, qui n'auraient à subir
aujourd hui que des changements légers pour soutenir dignement les
exigences du public.
Après les auteurs précités sont venus Guillen de Castro, François de
Rojas, Antoine de Solis, dont les compositions, généralement plus ré-
gulières, ne présentent pas les grands défauts de leurs devanciers,
mais n'étincellent pas non plus des qualités brillantes, éparses chez
les vieux poëtes. Les gens de goût leur accordent plus d'estime;
le peuple, au contraire, qui cherche les émotions et le merveilleux,
préférera toujours Lope de Vega, Calderon et Moreto.
Le conseil de Castille ayant défendu toutes ces comédies de cape et
d'épée, qu'il jugeait avec raison bien contraires à la morale, on se rejeta
sur les drames religieux. Calderon de la Barca lit du nouveau genre
un monopole; il composa plus de cent autos sacramentales qu'il dédia,
sans autorisation préalable , à Nuestro Senor Jesùchristo , et qui de-
vinrent la pâture journalière des théâtres de Madrid, de Tolède, de
Grenade, de Séville, etc. Aux applaudissements universels, les sacre-
ments figuraient dans les costumes que voici : le Baptême, jeune enfant
aux cheveux blonds, vêtu d'une tunique blanche; la Confirmation, pre-
mière amoureuse, primera dama, avec le costume ordinaire; la Péni-
tence, couverte de peaux de brebis, fort premier rôle, primer galan;
la Communion, deuxième amoureuse, segunda dama, vêtue modeste-
ment, vestida con decencia; l'Ordre sacerdotal, père noble, barba, avec
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