334 VOYAGE EN ESPAGNE.
dorique, avec colonnes cannelées, occupe un large palier auquel on
arrive par dix-neuf marches. Aux deux côtés de cet autel se trouvent
deux tribunes basses et sombres, en marbre noir, pour la famille royale
et la cour; tribunes que surmontent deux groupes de statues en bronze,
dorées et peintes, agenouillées devant le roi des rois : Charles-Quint et
sa famille occupent la partie de l'évangile; Philippe II, Anna, sa qua-
trième femme, Isabelle, sa troisième femme, et Marie, sa première, avec
don Carlos à côté d'elle, tiennent la partie de l'épitre. Ces figures sont
remarquables comme ressemblance, mais d'exécution médiocre. Quatre
jeux d'orgue, deux aux contours de la croix latine et deux à l'extré-
mité de la nef (jubé des chantres), semblent réclamer un concert de
voix qui manquent sous ces immenses voûtes. Trente-six confession-
naux, ressemblant à des cages de bains de vapeur, restent vides de
pénitents comme l'église demeure vide de fidèles.
L'escalier principal du monastère, majestueux, grandiose, mais
lourd, surtout à cause des petites baies qui en occupent le dernier
étage, est couvert d'une fresque signée Jorclanus fecit, la meilleure
composition de ce maître. Nous en avons admiré l'ordonnance et l'es-
prit; nous ne saurions approuver toutefois l'excès de mouvement auquel
l'artiste s'est abandonné. Les anges des frises, exécutés sous la voûte,
mériteraient bien l'étude des artistes modernes, qui peuplent les nuages
de véritables poupas macérés dans la lie de vin. Ces anges portent
le reflet de l'école florentine du seizième siècle et respirent la manière
de Michel-Ange.
Excepté plusieurs fresques d'un corridor du rez-de-chaussée, repré-
sentant deux batailles livrées aux Maures, et qui ont quelque mérite;
excepté quinze ou vingt toiles justement estimées, peintes par Velas-
quez, par Mengs et par Ribéra; excepté un portrait de la Casa de
Campo, exécuté dans le sentiment d'Albert Durer, et des toiles assez
médiocres de l'école italienne et de l'école flamande, malgré les noms
pompeux qui les décorent, nous n'avons pas trouvé grand'chose de
notable dans les appartements royaux. Les tapisseries madriléniennes,
façon des Gobelins, les tableaux en porcelaine de la fabrique du Buen-
Retiro sont au-dessous du médiocre. Quant au mobilier, il n'offre rien
de somptueux : les meubles soignés présentent plus de richesse que de
dorique, avec colonnes cannelées, occupe un large palier auquel on
arrive par dix-neuf marches. Aux deux côtés de cet autel se trouvent
deux tribunes basses et sombres, en marbre noir, pour la famille royale
et la cour; tribunes que surmontent deux groupes de statues en bronze,
dorées et peintes, agenouillées devant le roi des rois : Charles-Quint et
sa famille occupent la partie de l'évangile; Philippe II, Anna, sa qua-
trième femme, Isabelle, sa troisième femme, et Marie, sa première, avec
don Carlos à côté d'elle, tiennent la partie de l'épitre. Ces figures sont
remarquables comme ressemblance, mais d'exécution médiocre. Quatre
jeux d'orgue, deux aux contours de la croix latine et deux à l'extré-
mité de la nef (jubé des chantres), semblent réclamer un concert de
voix qui manquent sous ces immenses voûtes. Trente-six confession-
naux, ressemblant à des cages de bains de vapeur, restent vides de
pénitents comme l'église demeure vide de fidèles.
L'escalier principal du monastère, majestueux, grandiose, mais
lourd, surtout à cause des petites baies qui en occupent le dernier
étage, est couvert d'une fresque signée Jorclanus fecit, la meilleure
composition de ce maître. Nous en avons admiré l'ordonnance et l'es-
prit; nous ne saurions approuver toutefois l'excès de mouvement auquel
l'artiste s'est abandonné. Les anges des frises, exécutés sous la voûte,
mériteraient bien l'étude des artistes modernes, qui peuplent les nuages
de véritables poupas macérés dans la lie de vin. Ces anges portent
le reflet de l'école florentine du seizième siècle et respirent la manière
de Michel-Ange.
Excepté plusieurs fresques d'un corridor du rez-de-chaussée, repré-
sentant deux batailles livrées aux Maures, et qui ont quelque mérite;
excepté quinze ou vingt toiles justement estimées, peintes par Velas-
quez, par Mengs et par Ribéra; excepté un portrait de la Casa de
Campo, exécuté dans le sentiment d'Albert Durer, et des toiles assez
médiocres de l'école italienne et de l'école flamande, malgré les noms
pompeux qui les décorent, nous n'avons pas trouvé grand'chose de
notable dans les appartements royaux. Les tapisseries madriléniennes,
façon des Gobelins, les tableaux en porcelaine de la fabrique du Buen-
Retiro sont au-dessous du médiocre. Quant au mobilier, il n'offre rien
de somptueux : les meubles soignés présentent plus de richesse que de