VOYAGE EN ESPAGNE.
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ombres et des reflets, me fit bien comprendre le charme qn'y trouvaient
les Romains, les Goths, les Maures et les Espagnols.
Place d'armes sous l'empire des césars, Tolède demeura longtemps
capitale d'une partie des possessions péninsulaires des rois goths, puis
les Maures s'en étant rendus maîtres, ils la conservèrent quatre siècles.
Assiégée par le Cid, elle capitula sous condition que les musulmans
seraient traités avec égard, et qu'ils conserveraient non-seulement leur
religion, mais encore leurs usages. De cette époque date la splendeur
épiscopale de Tolède. Son archevêque devint primat du royaume,
conseiller d'État, grand chancelier de Castille. Il jouissait, aux cortès, du
privilège de parler le premier après le roi; il recevait, à son intronisa-
tion, des honneurs semblables à ceux d'un souverain; il posséda dix-
sept villes avec leur territoire, formant un revenu net de plus d'un
million, et fut, après le pape, le prêtre le plus riche de la chrétienté.
Dans sa cathédrale, dont la fondation remonte aux premiers temps du
christianisme, se sont tenus dix-sept conciles.
Sans admettre les exagérations de certains écrivains qui donnent à
Tolède deux cent mille habitants, nous devons supposer que cette ville
était au moins cinq fois ce qu'elle est aujourd'hui. Le Tage, alors
navigable jusqu'à la mer, favorisait singulièrement son commerce, et
la fabrication des étoffes de laine et de soie, des aiguilles, de la cou-
tellerie, des armes blanches, lui procuraient des bénéfices très-consi-
dérables.
Aujourd'hui, Tolède n'offre rien de séduisant; ses rues tortueuses
sont mal pavées et sales; ses maisons, échelonnées sur des collines,
sans régularité ni plan, ont l'air d'être empilées les unes au-dessus des
autres; ses vieux monuments, la plupart en ruines ou demeurés ina-
chevés, lui donnent un aspect de misère et d'abandon. Cependant, depuis
quelques années, on fait de louables efforts pour conserver intacts les
édifices véritablement historiques; mais il faudrait dix fois l'argent
qu'on y met, car trois villes, la ville romaine, la ville des Goths et la ville
mauresque , enfouies ou dégradées , demanderaient une restauration
intelligente. Les grands édifices de la cité romaine, comme le prouve
l'emplacement du cirque et celui de la basilique, occupaient les rives
du Tage où la ville actuelle a quelque tendance à s'étendre; la ville
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ombres et des reflets, me fit bien comprendre le charme qn'y trouvaient
les Romains, les Goths, les Maures et les Espagnols.
Place d'armes sous l'empire des césars, Tolède demeura longtemps
capitale d'une partie des possessions péninsulaires des rois goths, puis
les Maures s'en étant rendus maîtres, ils la conservèrent quatre siècles.
Assiégée par le Cid, elle capitula sous condition que les musulmans
seraient traités avec égard, et qu'ils conserveraient non-seulement leur
religion, mais encore leurs usages. De cette époque date la splendeur
épiscopale de Tolède. Son archevêque devint primat du royaume,
conseiller d'État, grand chancelier de Castille. Il jouissait, aux cortès, du
privilège de parler le premier après le roi; il recevait, à son intronisa-
tion, des honneurs semblables à ceux d'un souverain; il posséda dix-
sept villes avec leur territoire, formant un revenu net de plus d'un
million, et fut, après le pape, le prêtre le plus riche de la chrétienté.
Dans sa cathédrale, dont la fondation remonte aux premiers temps du
christianisme, se sont tenus dix-sept conciles.
Sans admettre les exagérations de certains écrivains qui donnent à
Tolède deux cent mille habitants, nous devons supposer que cette ville
était au moins cinq fois ce qu'elle est aujourd'hui. Le Tage, alors
navigable jusqu'à la mer, favorisait singulièrement son commerce, et
la fabrication des étoffes de laine et de soie, des aiguilles, de la cou-
tellerie, des armes blanches, lui procuraient des bénéfices très-consi-
dérables.
Aujourd'hui, Tolède n'offre rien de séduisant; ses rues tortueuses
sont mal pavées et sales; ses maisons, échelonnées sur des collines,
sans régularité ni plan, ont l'air d'être empilées les unes au-dessus des
autres; ses vieux monuments, la plupart en ruines ou demeurés ina-
chevés, lui donnent un aspect de misère et d'abandon. Cependant, depuis
quelques années, on fait de louables efforts pour conserver intacts les
édifices véritablement historiques; mais il faudrait dix fois l'argent
qu'on y met, car trois villes, la ville romaine, la ville des Goths et la ville
mauresque , enfouies ou dégradées , demanderaient une restauration
intelligente. Les grands édifices de la cité romaine, comme le prouve
l'emplacement du cirque et celui de la basilique, occupaient les rives
du Tage où la ville actuelle a quelque tendance à s'étendre; la ville