454 VOYAGE EN ESPAGNE.
voyaient déjà leur astre monter à l'horizon des peintres, lorsque le 31 dé-
cembre 1617, Plaza de Alfaro, dans l'une des deux maisons formant les
angles de la rue Lope deSueda, naissait Murillo. Il futbaptisé le 1er janvier,
dans l'église de la Madeleine, détruite aujourd'hui, comme l'est Santa-
Cruz, autre église paroissiale où reposaient ses cendres. En deux points, le
point de départ et le point d'arrivée, respirent les habitudes domestiques
du grand artiste : on voit, rue Lope de Sueda, l'escalier grimpant qu'il
escaladait pour gagner un petit atelier beau de lumière, mais fort
exigu; le patio garni de fresques italiennes, arrosé d'une fontaine à jet
piramidal, où le peintre rêva ses chefs-d'œuvre; tandis qu'ils furent en
partie réalisés dans l'hôtel maintenant occupé par M. le doyen Manuel
Lope Ceperon, où mourut Murillo, le 3 avril 1682 : c'est le commence-
ment et la fin; le début et le résultat; l'obscurité cheminant vers la
gloire et la gloire récompensant quarante années d'efforts; c'est la vie
de Murillo tout entière, et avec la vie de Murillo, la vie de l'art à
Séville, entourée d'affections chaudes, de déférences respectueuses au-
tant que d'implacables jalousies. Parmi ses amis les plus dévoués,
Murillo comptait Miguel Manara, qui reconstruisit la Caridad, édifice
pour lequel notre peintre exécuta les grandes toiles de Moïse frappant
le rocher; des Pains et des Poissons; un enfant Jésus; un saint Jean-
Baptiste dans la manière italienne, et plusieurs autres tableaux disparus
depuis. Au nombre de ses condisciples les plus distingués, il citait
volontiers l'arcliitecte-peintre llerrera, le peintre Ayala, né à Séville,
et devenu comme lui fondateur zélé de l'Académie des beaux-arts
qu'on y créa le 11 janvier 1660. Mais il se reposait des destinées de
l'art sur Fernando Marquez Goya, Juan Simon Gutierrez, Francisco
Meneses Osorio, ses élèves. «Avec vous, leur disait-il, je défie l'intrigue
et l'audace; je défie le faire facile, les crudités, les puanteurs de Léal
et de son aller ego Clemente de Torres ou Matias Alfara...» Juan Valdès
Léal faisait vite et beaucoup. Sa touche hardie, visant à l'effet, procé-
dant avec des pensées vulgaires, jouissait du privilège d'être mieux
comprise, mieux payée que la touche sentimentale et délicate de
Murillo; il peignait une nature repoussante, une décomposition cada-
vérique, ou des martyrs au milieu des horreurs du supplice. Le bon public
s'extasiait sur la vérité de ses images, et triomphant l'artiste sic-
voyaient déjà leur astre monter à l'horizon des peintres, lorsque le 31 dé-
cembre 1617, Plaza de Alfaro, dans l'une des deux maisons formant les
angles de la rue Lope deSueda, naissait Murillo. Il futbaptisé le 1er janvier,
dans l'église de la Madeleine, détruite aujourd'hui, comme l'est Santa-
Cruz, autre église paroissiale où reposaient ses cendres. En deux points, le
point de départ et le point d'arrivée, respirent les habitudes domestiques
du grand artiste : on voit, rue Lope de Sueda, l'escalier grimpant qu'il
escaladait pour gagner un petit atelier beau de lumière, mais fort
exigu; le patio garni de fresques italiennes, arrosé d'une fontaine à jet
piramidal, où le peintre rêva ses chefs-d'œuvre; tandis qu'ils furent en
partie réalisés dans l'hôtel maintenant occupé par M. le doyen Manuel
Lope Ceperon, où mourut Murillo, le 3 avril 1682 : c'est le commence-
ment et la fin; le début et le résultat; l'obscurité cheminant vers la
gloire et la gloire récompensant quarante années d'efforts; c'est la vie
de Murillo tout entière, et avec la vie de Murillo, la vie de l'art à
Séville, entourée d'affections chaudes, de déférences respectueuses au-
tant que d'implacables jalousies. Parmi ses amis les plus dévoués,
Murillo comptait Miguel Manara, qui reconstruisit la Caridad, édifice
pour lequel notre peintre exécuta les grandes toiles de Moïse frappant
le rocher; des Pains et des Poissons; un enfant Jésus; un saint Jean-
Baptiste dans la manière italienne, et plusieurs autres tableaux disparus
depuis. Au nombre de ses condisciples les plus distingués, il citait
volontiers l'arcliitecte-peintre llerrera, le peintre Ayala, né à Séville,
et devenu comme lui fondateur zélé de l'Académie des beaux-arts
qu'on y créa le 11 janvier 1660. Mais il se reposait des destinées de
l'art sur Fernando Marquez Goya, Juan Simon Gutierrez, Francisco
Meneses Osorio, ses élèves. «Avec vous, leur disait-il, je défie l'intrigue
et l'audace; je défie le faire facile, les crudités, les puanteurs de Léal
et de son aller ego Clemente de Torres ou Matias Alfara...» Juan Valdès
Léal faisait vite et beaucoup. Sa touche hardie, visant à l'effet, procé-
dant avec des pensées vulgaires, jouissait du privilège d'être mieux
comprise, mieux payée que la touche sentimentale et délicate de
Murillo; il peignait une nature repoussante, une décomposition cada-
vérique, ou des martyrs au milieu des horreurs du supplice. Le bon public
s'extasiait sur la vérité de ses images, et triomphant l'artiste sic-