38. Pierre-Henri de Valenciennes
Elemens de perspective pratique (1799/1800)
Quand le ciel est couvert de nuages qui interceptent absolument la lumiere primiti-
ve, le jour est ά-peu-pres le meme depuis le matin jusqu ’au soir, comme dans l ’atelier:
ainsi l’on a le temps de soigner, de terminer et de finir tous les details de Γbbjet
qu ’on etudie.
Mais lorsque cet objet est eclaire par le soleil, et que cette lumiere es ses ombres
changent continuellementpar le mouvement de la terre, il n ’estpas possible alors de
rester long-temps d copier la Nature, sans voir l ’effet de lumiere que l ’on avoit choisi,
varier assez vite pour ne plus le reconnoitre dans l’etat oü on Γ avoit commence.
Nous avons dejdfait observer que les effets de la Nature ne sont presque jamais les
memes aux niemes instans ou ä pareille heure. Ces variations dependent d’une
multitude de circonstances, telles que la lumiere plus ou moins pure, la quantite de
vapeursde l’atmosphere, le vent, lapluie, les sitesplus ou moins eleves, les differens
reflets des nuages causespar leur couleur, leur legerete ou leur epaisseur [...]. Mais
ce que nous avons dit doit suffire pour prouver qu’il est absurde a un Artiste de
passer toute une joumee a copier d’apres Nature une seule vue. [...]
II en estd’autres, et c ’est le plus grand nombre, qui ne copient la Nature que pendant
Γ Intervalle de deux heures, et qui reviennent les jours suivans aux memes instans
pour continuer leurs etudes. Certainement ceux-ci sont plus raisonnables que les
Premiers, en ce qu’il y a dans leurs ouvrages plus d’unite d’effet. Mais qui leur
promet, quand ils quittent leur ouvrage aujourd’hui, qu’ils retrouveront demain la
meme vapeur, la meme couleur de lumiere, d’ombres et de reflets? On dit
proverbialement et avec raison, que les jours se suivent et ne se ressemblent pas:
cela est si vrai, que nous avons connu des Artistes de merite, qui avoient beaucoup
d’etudes commencees qu ’il leur avoit ete impossible de terminer, parce qu ’ils n ’ avoient
pas pu retrouver les memes effets dans la Nature.
En consequence, les Eleves qui voudrontfaire des etudes d’apres nature, avecfruit,
doivent s’y prendre differemment. Ilfaut d’abord se bomer ä ne copier, le mieux
possible, que les tons principaux de la Nature dans l ’effet que l ’on choisit; commencer
son etude par le ciel, qui donne le ton desfonds; ceux-ci, celui des plans qui leur sont
lies, et venirprogessivement jusques sur les devants, qui se trouvent en consequence
toujours d’accord avec le ciel qui a servi d creer le ton local. On sent bien qu’en
suivant cette marche, il est impossible de rien detailler, car toute etude d’apres nature
doit etre faite rigoureusement dans l ’Intervalle de deux heures au plus: et si c ’est un
effet du soleil levant ou couchant, iln’yfautpas mettreplus d’une demi-heure. [...]
Il est bon de peindre la meme vue ä differentes heures du jour, pour observer les
differences queproduit la lumiere surlesform.es. Les changemens sont si sensibles et
si etonnans, qu ’on a peine a reconnoitre les memes objets.
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Elemens de perspective pratique (1799/1800)
Quand le ciel est couvert de nuages qui interceptent absolument la lumiere primiti-
ve, le jour est ά-peu-pres le meme depuis le matin jusqu ’au soir, comme dans l ’atelier:
ainsi l’on a le temps de soigner, de terminer et de finir tous les details de Γbbjet
qu ’on etudie.
Mais lorsque cet objet est eclaire par le soleil, et que cette lumiere es ses ombres
changent continuellementpar le mouvement de la terre, il n ’estpas possible alors de
rester long-temps d copier la Nature, sans voir l ’effet de lumiere que l ’on avoit choisi,
varier assez vite pour ne plus le reconnoitre dans l’etat oü on Γ avoit commence.
Nous avons dejdfait observer que les effets de la Nature ne sont presque jamais les
memes aux niemes instans ou ä pareille heure. Ces variations dependent d’une
multitude de circonstances, telles que la lumiere plus ou moins pure, la quantite de
vapeursde l’atmosphere, le vent, lapluie, les sitesplus ou moins eleves, les differens
reflets des nuages causespar leur couleur, leur legerete ou leur epaisseur [...]. Mais
ce que nous avons dit doit suffire pour prouver qu’il est absurde a un Artiste de
passer toute une joumee a copier d’apres Nature une seule vue. [...]
II en estd’autres, et c ’est le plus grand nombre, qui ne copient la Nature que pendant
Γ Intervalle de deux heures, et qui reviennent les jours suivans aux memes instans
pour continuer leurs etudes. Certainement ceux-ci sont plus raisonnables que les
Premiers, en ce qu’il y a dans leurs ouvrages plus d’unite d’effet. Mais qui leur
promet, quand ils quittent leur ouvrage aujourd’hui, qu’ils retrouveront demain la
meme vapeur, la meme couleur de lumiere, d’ombres et de reflets? On dit
proverbialement et avec raison, que les jours se suivent et ne se ressemblent pas:
cela est si vrai, que nous avons connu des Artistes de merite, qui avoient beaucoup
d’etudes commencees qu ’il leur avoit ete impossible de terminer, parce qu ’ils n ’ avoient
pas pu retrouver les memes effets dans la Nature.
En consequence, les Eleves qui voudrontfaire des etudes d’apres nature, avecfruit,
doivent s’y prendre differemment. Ilfaut d’abord se bomer ä ne copier, le mieux
possible, que les tons principaux de la Nature dans l ’effet que l ’on choisit; commencer
son etude par le ciel, qui donne le ton desfonds; ceux-ci, celui des plans qui leur sont
lies, et venirprogessivement jusques sur les devants, qui se trouvent en consequence
toujours d’accord avec le ciel qui a servi d creer le ton local. On sent bien qu’en
suivant cette marche, il est impossible de rien detailler, car toute etude d’apres nature
doit etre faite rigoureusement dans l ’Intervalle de deux heures au plus: et si c ’est un
effet du soleil levant ou couchant, iln’yfautpas mettreplus d’une demi-heure. [...]
Il est bon de peindre la meme vue ä differentes heures du jour, pour observer les
differences queproduit la lumiere surlesform.es. Les changemens sont si sensibles et
si etonnans, qu ’on a peine a reconnoitre les memes objets.
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