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veuses. Andrea della Robbia les cloue sur une porte d'hôpital, avec
leurs petits bras tendus raides et leurs petits poings fermés exigeant
la protection de ceux qui passent. Et tous deux trouvent que le bronze
et le marbre ne suffisent pas à traduire leur idéalisme effréné. Ce sont
des verts crus, des bleus criards, des rouges, des terres cuites vernissées
d'un goût atroce et séduisant.Un peuple de penseurs malades, de
fous et de martyrs.
L'unité de la vie s'était retirée des croyances du moyen âge.
Elle n'avait pas encore pénétré les espoirs des temps nouveaux. La
voie que Masaccio avait tracée était ardue et dangereuse. L'Italie
hésite à aimer la forme pour elle-même, ne sachant pas si elle y retrou-
vera l'esprit, bien que François d'Assise le lui ait dit avec tant d'élo-
quence plus d'un siècle auparavant. De quel côté se retourner pour
apaiser sa fièvre? Les religions et les philosophies sont un prétexte
à dépenser notre énergie. La vie ne demande qu'un cadre pour se
déployer à l'aise. Où le trouver? Il y eut là quelque chose d'analogue
à ce qui s'était passé douze ou quinze cents ans plus tôt, au moment
où le monde païen et le monde chrétien se heurtaient à Alexandrie.
Seulement, l'évolution s'accomplissait en sens inverse. Donatello,
parce qu'il sentait en lui même le rongement de l'analyse et se tenait
à mi-chemin entre l'équilibre perdu et l'équilibre pressenti, revécut
l'humanité ardente, fanatique et désabusée de ce temps-là. Il décrivit
en statues peintes les ascètes effrayants qui quittaient les villes,
cachaient sous des cheveux sordides leur corps déshonoré et dont l'œil
enflammé de fièvre vivait seul. Pur symbole, et sans doute inconscient.
Pourtant, dans ces images, il exprimait l'aspect profond de l'âme
florentine plus nettement encore que Verrocchio dressant sur un haut
piédestal son dur condottiere de fer ou modelant d'un pouce énervé
son David maigre, enfant vainqueur par la force de l'âme — et triste
d'avoir vaincu.
C'est dans la grande œuvre violente de Donatello que l'intellectua-
lisme aigu de l'art florentin s'affirme pour la première fois. Il va tenter
d'adapter l'homme par l'esprit au monde raisonneur qui monte. Il
aura la destinée tragique de mourir avant d'avoir conclu, mais de
préparer, par sa mort, une conclusion victorieuse. Comment n'a-t-il
pas abouti plus tôt, au centre de la vie ardente qui s'offrait à sa vision ?
Il faut le demander aux convulsions civiles qui ne cessaient pas de
briser et de fragmenter son élan, à l'influence débilitante d'une élite
trop rapidement, trop artificiellement cultivée, au caractère minutieux
des métiers d'où il était sorti, l'orfèvrerie, la ciselure, aux aspects
singuliers des lieux qui le virent naître et grandir.

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