Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Überblick
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
semant de fleurs les routes d'azur de son rêve où la divine épouse
blanche allait passer. Il avait l'esprit fleuri comme un pré. Il faisait
des ailes de paon à ses anges penchés sur les nuages rouges ou cueillant
dans les jardins noirs des roses sanglantes, non pas pour exprimer leur
nature céleste, mais pour ies rendre plus beaux. Il admirait. Il déployait
dans les campagnes florentines des cavalcades chatoyantes et y pla-
çait des histoires bibliques qui racontaient comment se faisaient les
vendanges, la guerre, les réjouissances et les travaux au temps de
Cosme ou de Laurent de Médicis. Ravi, il parcourait des plaines
couvertes de vignes et baignées de fleuves sinueux qui s'enfoncent
au loin entre des collines aiguës, des routes en lacets bordées de maisons
rouges sous des bouquets de pins parasols et d'ifs, un pays sombre
et luisant comme un miroir de bronze vert où traîne la pourpre des
cieux. Et quand il inondait la fresque de couleurs rutilantes où l'or,
le vert, le noir ponctuaient des coulées de carmin, c'est qu'il tenait
dans sa main une grenade ouverte et qu'il avait traversé le matin,
pour monter vers un bois de cyprès d'où l'on découvrait au loin la
ligne bleue des montagnes, un de ces champs toscans de trèfle incarnat
au milieu desquels les coquelicots semblent pâles. Soit qu'il fût sous
l'abri des treilles où les raisins épais et denses débordent des paniers
de jonc, soit qu'il suivît, sur les terrasses des villas, l'ombre maigre
des citronniers qui bordent la rampe de marbre où les paons ouvrent
leur queue, soit qu'il posât le pain et le vin et les fruits sur la nappe
blanche, jamais le monde ne lui semblait complètement répondre aux
symphonies qui remplissaient de leur fanfare ses yeux enchantés.
Riche esprit, certes, tendrement ironique, émerveillé par la légende
et le travail, mais d'abord peintre. Non seulement c'est lui qui fut
le coloriste de Florence, mais peut-être aussi le premier, entre tous
les peintres modernes d'Europe, qui osât une transposition radicale
de la nature colorée. Recréer un univers logique dans une gamme
imaginaire dont tous les éléments s'associent en relations enchevêtrées
où l'œil retrouve les lois intuitives qui nous ont dicté l'harmonie, c'est
ce qui définit le lyrisme de la peinture.
Si Gozzoli avait connu les enluminures persanes, on pourrait
croire qu'il les agrandit à la dimension des murailles et les enfonça
dans l'espace après les avoir fait tremper dans la matière des cultures
qui couvrent le sol de ces mêmes nuées verdâtres entraînées dans leur
chute par les soleils couchants. Alors que Giotto, trouvant du premier
coup la grande peinture décorative, enfermait des taches essentielles
dans quelques rythmes linéaires qui rejoignaient l'architecture par leur
simplicité, l'art toscan, depuis Angelico, revenait à la peinture de
missel, plus en rapport avec les couleurs vernissées et les traits du
— 40 —

Botticelli. Détail du Printemps. Florence,
offices. (Cl. Alinari.)
 
Annotationen