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après, l'esprit de l'époque l'inspire. Au milieu de l'anarchie générale
qui livre à l'étranger les communes italiennes, en face du protection-
nisme vénitien, Rome est bien le seul lieu où l'Italie puisse résumer
ses désirs.
Rome a tant de force, par la tristesse de son horizon, son isolement
au centre d'un désert de roseaux et d'herbes, ses vastes ruines, la
pesanteur de son histoire, qu'elle ne permit pas aux maîtres qui
avaient passé leur jeunesse loin d'elle de lui apporter l'Italie sans
accepter d'abord la discipline de volonté à qui elle devait de dominer
encore le monde, après tant d'orages. Cette force, elle obligea Bra-
mante à la reconnaître, elle l'infusa au fragile Raphaël, elle en fit
l'aliment habituel de Michel-Ange. Comme Brunelleschi cent ans
plus tôt, Bramante vécut dans ses ruines, le compas à la main. Il
y retrouva la loi de l'architecture romaine et de toute architecture,
la subordination de l'organe à la fonction, que l'esprit despotique et
fantasque de Michel-Ange, quand celui-ci lui succéda à la direction
des travaux de Saint-Pierre, ne lui permit pas d'appliquer à sa construc-
tion, mais que, dans un raidissement volontaire et tendu de sa puis-
sance intellectuelle, il retrouva pour dessiner la façade et la cour du
palais Farnèse, théorème de pierre où l'esprit tragique du monde
apparaît en Italie pour la dernière fois. Raphaël, Michel-Ange purent
étudier les statues mutilées que des fouilles arrachaient tous les jours
à la terre et que se disputaient le pape et les princes romains. Ce
contact de toutes les heures avec la Rome antique ne pouvait pas ne
pas agir sur des sensibilités résumant comme celles-là deux siècles
d'attente et d'effort.
Il ne pouvait pas non plus les pervertir. Elles venaient du fond
de la race avec trop d'élan et de nécessité pour sortir de la voie qu'elle
leur traçait. Il y eut une soudure spontanée entre l'idéalisme intellec-
tuel de Florence, le sentimentalisme des peintres ombriens, la sensua-
lité de Venise que Sébastien del Piombo apportait à Rome et la volonté
des maçons et des statuaires de l'Empire qui bâtirent les aqueducs,
les thermes, les cirques et sculptèrent sur les arcs de triomphe les bas-
reliefs rudes où le génie romain avait enfoncé son empreinte. Un
moment, l'âme italienne tout entière s'y réalisa. Jamais une telle
passion où se heurtaient et se mariaient tour à tour la violence et la
douceur, la volupté et l'ascétisme, la science et l'enthousiasme, n'avait
accepté d'un tel cadre, sans être écrasée par lui, une discipline aussi
forte. La Renaissance retrouvait la forme pleine, sculpturale, athlé-
tique -— point du tout grecque d'ailleurs, plutôt romaine par la pré-
dominance de la saillie musculaire sur le plan expressif — mais une
forme soulevée d'une telle ardeur qu'elle demeurait avant tout ita-

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