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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 11.1875

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Nr. 1
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Rayssac, Saint-Cyr de: Quinze sonnets de Michel-Ange
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https://doi.org/10.11588/diglit.21840#0010

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

exécutait le Moïse, il allait commencer le Jugement dernier, lorsqu'il
s'éprit de Vittoria Colonna, veuve de Ferdinand d'Avalos, marquis de
Pescaire, grande dame fort célèbre alors par sa beauté, ses regrets
d'épouse et son esprit. Cette passion tardive du grand artiste, — il tou-
chait à ses soixante ans, — coïncide comme on le voit avec la période la
plus féconde et la plus vivante de sa carrière. Quelques-uns de ses sonnets
d'amour ont pu être écrits sur la marge des cartons qui devaient être
l'immortelle fresque de la Sixtine; à ce titre seul, en dehors de leur
valeur poétique, ils méritent, ce nous semble, d'être étudiés.

C'est une physionomie étrange, plus curieuse que sympathique, et
très-difficile à mettre en son jour, que cette marquise de Pescaire, tant
célébrée et tant aimée. Elle appartient à ce groupe des précieuses de la
Renaissance, bien autrement singulières que celles qu'en France, un
siècle plus tard, on devait appeler de ce nom. Ames ardentes et subtiles,
esprits ascétiques et passionnés, gardant malgré tout l'empreinte du
moyen âge : le mysticisme des cloîtres et le raffinement des cours
d'amour. En commerce perpétuel avec les Bembo, les Molza et mille
autres, constamment occupée de poésie lyrique ou de retraites spiri-
tuelles, Vittoria Colonna est peut-être la plus haute expression de ces
natures compliquées dont quelques-unes furent des saintes. Son histoire
est fort courte. Fille d'un grand dignitaire du royaume de Naples, elle
épousa vers dix-sept ans Ferdinand d'Avalos, jeune officier du même âge
qu'elle. Les deux enfants s'étaient sans doute aimés de bien bonne heure,
puisqu'à seize ans, prisonnier des Français à Ravenne, le jeune homme
avait composé, dans ses loisirs de captif un Dialogue d'amour à l'adresse
de sa fiancée. En tout cas cet attachement, pour avoir été précoce, n'en
fut pas moins si profond qu'il est resté légendaire. — Ferdinand d'Ava-
los se jeta dans tous les orages politiques et militaires que l'ambition de
Charles-Quint déchaînait à cette époque sur l'Italie. Il se battit en vaillant
soldat à Marignan, en grand capitaine à Pavie, et, après avoir porté
quelque temps la couronne de Naples pour prix de ses services, il mourut
des suites de ses blessures, à trente-six ans, l'année même de cette
bataille de Pavie. Par malheur, avant de mourir, il trahit au profit de
l'empereur la ligue des princes ses compatriotes, de sorte qu'en dépit de
sa gloire de héros, il a gardé chez les Italiens le renom d'un traître.
(( L'illustre marquise de Pescaire méritait mieux de la patrie lorsqu'elle
réconfortait par ses lettres et ses paroles le cœur du grand Michel-Ange,
que lorqu'elle épuisait sa verve à racheter de l'infamie la mémoire de
Ferdinand d'Avalos, son époux. » Yoilà ce que je lis dans la préface
d'une charmante édition des œuvres de Ruonarroti, publiée naguère à
Florence.
 
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