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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 11.1875

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Tournelle, Adolphe de la: Anet
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https://doi.org/10.11588/diglit.21840#0025

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20

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

tionnée non plus qu'aux bâtiments qui constituaient à cette époque le château propre-
ment dit.

Il ne fallut rien moins qu'un amour royal, obéissant à une fantaisie féminine, pour
tout agrandir et changer à la fois. A cette châtellenie d'Anet que Charles VII disait
être « de nulle ou au moins très-petite valeur ou revenu », dix fiefs ou seigneuries,
successivement ajoutés, donnèrent alors l'étendue d'un domaine royal, en môme temps
que le morne donjon féodal faisait place à un château merveilleux.

Louis de Brézé mort en 4 531, sa veuve, la Belle Veuve, comme l'appellera plus
tard son royal amant, avait été passer à Anet les premiers instants de sa douleur offi-
cielle. C'est là que, pour faire croire à de trop fugitifs regrets, elle s'entourera pendant
de longs mois de tout l'appareil d'un deuil qui devait, avec le temps, devenir ses cou-
leurs et celles du roi de France. Sola vivit in Mo, disait alors la devise quelque peu
funèbre de la grande sénéchale : Omnium victoremvici, ou bien encore: Victi serva-
mus amoris exuvias, dira plus tard celle de la duchesse de Valentinois.

Dix-sept ans se sont écoulés depuis que le grand sénéchal a rendu son âme à
Dieu; nous sommes en 1548 : le duc d'Orléans, devenu Henri II, vient de donnera sa
maîtresse la terre de Chenonceaux, il a relevé pour elle le duché de Valentinois1;
mais ce n'est pas encore assez; les désirs de Diane sont ailleurs. Sans doute l'antique
manoir d'Anet avait bien pu, à l'origine, abriter de son ombre discrète les amours du
Dauphin ; il faut désormais une demeure royale à celle qui règne à la fois et sur le
cœur du roi et sur le royaume de France ; il faut loger dignement cette cour diploma-
tique et politique qui se presse autour de la favorite, et dans les rangs de laquelle
brillent, à côté du maréchal de Saint-André et du trio des princes lorrains, les
Bouillon et les Montmorency. Diane a parlé : Philibert Delorme, amenant avec lui les
plus grands artistes du siècle, les deux Jean Cousin et Jean Goujon, se met à l'œuvre.
En moins de sept années 2 le nouvel Anet est construit, décoré avec cet art inimitable
qui faisait alors des merveilles partout où il pouvait se donner librement carrière.

Les Marot, les Joachim du Bellay, les Ponthus de Thiard ont chanté les louanges
et les mérites de Diane; mais ce qu'ils n'ont pas dit, ce qu'ils auraient cependant dû
répéter et redire, c'est que la noble dame châtelaine d'Anet joignait à un goût délicat
un patriotisme artistique qui peut bien passer, en vérité, pour un titre de gloire aux
yeux de la postérité. Ainsi, tandis que la duchesse d'Étampes et François Ier d'abord,
puis Catherine de Médicis appelaient d'au delà des monts tous les grands noms de l'art
italien de l'époque et faisaient à Fontainebleau et à Madrid, avec le Primatice et le
Rosso, de la renaissance italienne avec des mains étrangères, Diane, exclusive dans
ses préférences et ses goûts, faisait à Anet de la renaissance française avec des artistes
français.

Exclusive quand il s'était agi de se créer une nouvelle demeure sur le sol natal,
Diane devait se montrer éclectique au jour venu pour l'habiter. Après avoir, pendant
plus de trente années, accumulé dans sa résidence de prédilection tous les chefs-d'œuvre
cle l'art, depuis les œuvres de Raphaël et de Benvenuto jusqu'à celles des Palissy, des
Limousin et du Potier d'Oyron, Diane, que l'abandon forcé de Chenonceaux avait
ramenée définitivement à Anet, y meurt le 25 avril 1566.

1. Diane de Potyers, duchesse de Valentinois et Diois, marquise de Cotteron, comtesse d'Albon, vicom-
tesse d'Estoille ; tels sont ses titres historiques, consignés dans son testament fait à Lymours le jour et teste
des Roys. Mil. v. c. soixante et quatre.

2. Commencé à la fin de 1518, Anet était terminé en 1554.
 
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