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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 11.1875

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Ménard, René: Clodion
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https://doi.org/10.11588/diglit.21840#0208

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198

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

divorcé avec Catherine-Flore Pajou, fîlie du célèbre statuaire dont il était le gendre.
Mais sa vie d'artiste, comment a-t-elle été employée pendant ces dix-huit ans, où
on n'entend aucunement parler de lui? C'est précisément pendant cette période que
le goût public s'est transformé, les petits ouvrages de Clodion, fort estimés à ses
débuts, subirent alors une dépréciation notable dont les prix de vente font foi. Ainsi
à la vente Jullienne (1767), deux petites figures se payent 250 livres; à la vente Boucher
(4774), la Vestale atteint 200 livres; à la vente Mariette (4775), un vase avec groupe
d'enfants, en relief, monte à 600 livres, et un groupe de nymphes et bacchantes font
900 livres à la vente Varanchan (4 777). Mais en 4 783, un vase avec jeux d'enfants ne
fait plus que 72 francs, des satyres jouant avec des oiseaux sont adjugés à 36 francs,
un Faune dansant avec un Corybante, 34 francs, Vénus donnant un baiser à l'Amour,
24 francs, enfin une Bacchante faisant danser un petit Satyre et des Amours allumant
leurs flambeaux ne peuvent passer 34 francs (vente Dubois, Verrier et Clodion frères).
En 4788, à la vente Lenglier, un Triomphe de Bacchus, bas-relief de vingt figures,
est retiré faute d'amateur, et à la vente Lebrun (4794), deux charmants petits groupes,
un Satyre et une Bacchante faisant jouer des petits enfants, sont adjugés pour la somme
dérisoire de 28 francs!

La révolution dans les arts avait précédé la révolution politique; les artistes
réagissaient violemment contre l'esprit aimable et enjoué de l'époque précédente, et
l'opinion publique brûlait avec colère ce qu'elle avait encensé la veille. Devant le flot
envahissant des idées nouvelles, Clodion, comme tant d'autres, se trouva dépaysé, et
s'il garda dans une certaine mesure le rang que son ancienne réputation lui avait
assigné, ce fut peut-être parce qu'en abordant la grande statuaire, il oublia complète-
ment la saveur prime-sautière de ses premières productions. La tournure de son esprit
ne le portait pas dans cette direction, et dans l'école française, il n'appartient pas à la
famille énergique et passionnée des Puget et des Rude; mais parmi les charmeurs
aimables et les décorateurs exquis, il a sa place marquée à côté de François Boucher.

Pour nos artistes de l'industrie, Clodion est un véritable maître; si ses ouvrages
atteignent aujourd'hui un prix si élevé dans les ventes, prix qu'ils n'atteignirent jamais
de son vivant, il ne faut pas voir là une exagération provenant d'une simple réaction
dans le goût, il faut plutôt y conslater le besoin que nous éprouvons de chercher dans
nos applications mobilières un style vivant et coloré, qui échappe à l'absolu, et sache
se plier aux usages pratiques de la vie.

RENÉ MÉNARD.
 
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