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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 11.1875

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Nr. 4
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Buisson, Jules: À propos de Corot
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https://doi.org/10.11588/diglit.21840#0350

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336

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

de fraîcheur, de jeunesse, le peintre a lutté sans pâlir avec la nature qui
m'environne.

Qu'on prenne, dans son œuvre, une étude, un croquis, un tableau,
Corot est donc le maître, le héros, la voix de la grande peinture
française de paysage, l'écho de nos grands maîtres à travers les temps.
Moins carré, moins austère que Poussin, moins précis, moins majes-
tueux, moins ardent et voluptueux que Claude; plus lyrique à la fois et
plus intime, et parfois aussi grand; continuateur et novateur, de son
pays, de son temps, de tous les pays, de tous les temps.

Poëte au sens moderne, avec ce mélange des genres, ce charme subtil
et cette liberté d'investigation qui demande à chaque chose sa poésie
intrinsèque, on peut voir en lui le représentant le plus irréprochable et
le plus élevé du sentiment de la nature, qui a été notre nouveauté. Son
titre, malgré ses mérites techniques et sa naïveté incomparable, est dans
sa grande imagination; c'est par Là qu'il est devenu le familier des demi-
dieux de la peinture. Seul capable de ressusciter le vrai paysage antique
et d'illustrer, par exemple, Daphnis et Chloé, il a choisi, comme Poussin
aurait pu le faire, le site où saint Sébastien a dû rendre l'âme; il a fait
entrer le Dante avec la louve dans la forêt mystérieuse ; il a jeté dans
l'air glacial du matin Je cri des sorcières de Macbeth. Imagination intui-
tive s'attaquant directement aux choses, aux scènes, aux auteurs, il a
montré une âme capable de leur appliquer avec une familiarité naturelle,
sans intermédiaire, sans rhétorique, ce qu'il a appris directement aussi
de la nature.

Allons-nous, cependant, fermer les yeux sur ses faiblesses?... Notre
querelle à son démon indique assez ce que nous en pourrions dire. 11 ne
faut pas toujours, avec des si et des mais, éteindre la flamme des plus
douces joies. La rigueur du jugement est une ingratitude ; le droit strict,
la souveraine injustice envers un tel maître. Une fois par reconnaissance,
qu'il nous soit permis de rester sur le quid clivinam de cette œuvre et
de ce poëte. Assez de gens diront ce qui lui manque, sans prendre garde
que, s'il avait la précision scientifique et la fermeté, l'exécution accen-
tuée, l'éclat varié, véritablement il n'y aurait plus rien à peindre poul-
ies paysagistes de l'avenir.

j. BUISSON.
 
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