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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 15.1877

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Mantz, Paul: André del Sarte, [2]
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https://doi.org/10.11588/diglit.21844#0053

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ANDRÉ DEL SARTE.

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paraît s’applaudir du résultat obtenu, et il ajoute que, grâce à son
« rétablissement », le tableau promet de vivre encore plus d’un siècle.

Il faut croire que le rétablissement n’était pas absolu, puisque,
depuis lors, le tableau a dû être restauré deux fois, en l’an XI d’abord
et ensuite en 18ZC2. C’est à cette époque qu’il fut remis sur une toile
nouvelle et nettoyé avec un zèle qui, si nos souvenirs de jeunesse ne
nous trompent pas, fut jugé excessif. Peut-être trouverait-on dans les
journaux du temps la trace des colères que cette dernière opération
inspira aux adorateurs du Louvre. Toute récrimination serait désormais
superflue ; mais il fallait rappeler au lecteur que la Charité d’aujour-
d’hui ne ressemble guère à la Charité de 1518.

Pour reconstituer dans sa fleur première cette ruine splendide, il
faut revoir par la pensée les André del Sarte du palais Pitti et des Offices.
A l’origine, la Charité a dû être un tableau clair, avec des orangés
roses, des bleus cendrés, des demi-teintes fines noyées dans des gris
chaleureux. La peinture s’est attristée, les nettoyages l’ont salie. Et
cependant c’est encore une merveille. Elle garde sa belle allure sculp-
turale, la profondeur touchante de l’inspiration, le charme absolu du
chef-d’œuvre.

Assise, sérieuse, adorable, la nourrice symbolique poursuit un rêve
mystérieux en tenant sur ses genoux deux enfants robustes. L’un puise
à son sein découvert le lait des tendresses intarissables ; l’autre attend
sa part du festin maternel. A ses pieds, un troisième enfant, d’une
beauté toute florentine, dort dans une attitude à la fois familière et
ennoblie, la tête doucement penchée sur ses bras croisés. Au fond, un
paysage d’un très-grand goût, mais de nationalité incertaine, et, dans
le lointain, près d’un bouquet d’arbres et d’une maisonnette, quelques
figurines rustiques. Sans être un portrait, la tête de la Charité a un
caractère suffisamment personnel pour exprimer une vitalité très-intense,
et elle a en même temps la beauté généralisée qui est la loi de l’allé-
gorie. Chez la femme et chez les enfants, les formes, simples et grandes,
s’enveloppent dans une exécution savoureuse qui traduit à la fois la
morbidesse des carnations jeunes et l’énergique fierté des structures
intérieures. C’est le beau langage florentin parlé par un contemporain
clé Léonard de Vinci, par un admirateur de Michel-Ange, avec une ten-
dresse d’accent qui vient du profond du cœur.

Le Musée du Louvre ne possède pas seulement la Charité : il garde,
dans la galerie des dessins, l’étude à la sanguine dont André del Sarte
s’est servi pour peindre un des enfants, celui qui est posé sur le genou
droit de la grande nourrice. C’est une tête jeune, vivace, criante de vérité.
 
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