Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art (2.Pér. 15.1877)

LE RELIQUAIRE D’ORVIETO1

4 juin '1875.

ujourd’hui est la fête du Corpus Domini.
Entre trois et quatre heures les cloches,
sonnées à toute volée, annoncent la messe
de l’aube. Les chanoines auront descendu
pendant la nuit le reliquaire du corporal,
et dès le soir j’ai vu les hommes des cam-
pagnes, couchés sur les marches du dôme,
attendant l’ouverture des portes. A cette
heure si belle du matin, la ville était
déserte. Quand j’entrai dans l’église, les
paysans, agenouillés, priaient.

Le reliquaire était sur l’autel, étincelant sous les feux des bougies.
Il n’est pas sans quelque ressemblance avec la façade du dôme : quatre
pilastres que terminent des flèches élancées déterminent les champs
dont les couronnements sont des frontons aigus; celui du milieu, double
en largeur, surmonte ceux des côtés. Dans le tympan du fronton prin-
cipal, j’aperçois une ornementation compliquée, les fins détails d’une
œuvre de ciselure dont le centre est un ostensoir; assurément c’est là
qu’est placée l’hostie des messes, et au-dessus, dans une rosace plus
petite, est conservée l’hostie miraculeuse. Je ne vois pas le corporal, il
doit être étendu derrière les surfaces émaillées qui, éclairées par les
lumières de l’autel, brillent comme un revêtement de pierreries. Le
travail est du xive siècle. J’ai peine à compter le nombre des sta-
tuettes réparties sur toutes les divisions du monument : je distingue
sur le soubassement les quatre évangélistes ; près des chapiteaux des
pilastres, les prophètes assis, les animaux symboliques, des anges
élancés qui tiennent des trompettes; des anges encore sur la pointe des
flèches et des anges aussi à l’extrémité des frontons latéraux, le couron-

1. Voir la Gazelle des Beaux-Arls, r période, t. XV, p. 154.