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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
Sous Louis XIV, les tables et consoles, « couvertes de marbres rares
et de mosaïque de pierre, sont charpentées en bois doré, à tabliers
découpés, ou les soleils, les lauriers et attributs se détachent sur les
fonds quadrillés à rosaces ; les entre-jambes à rinceaux se relèvent en
volutes portant des vases élégants. On peut voir de magnifiques échan-
tillons de cette fabrication dans la galerie d’Apollon, au Louvre». Mais
ces meubles, ainsi que les tables et les consoles en argent ciselées par
Claude Ballin, sont des objets de luxe, d’apparat. La vraie table de l’écri-
vain et de l’homme d’Etat, « la loyale et grande table accessible au
regard et voisine du cartonnier où se classaient les titres et les corres-
pondances », le Bureau par excellence est un produit de la Régence. Le
règne de Louis XVI a de même sa spécialité, la table à ouvrage et la con-
sole. Rien n’est élégant comme ces petits meubles « portés sur des pieds
délicats à cannelures légères, que rehaussent des cuivres sans pareils,
et où s’insèrent ici les camées de Wedgwood, là des plaques à sujets peints
à Sèvres, ailleurs de simples bouquets de la même porcelaine, encadrés
d’arabesques d’or en relief, ressortant sur fond bleu de roi ou bleu tur-
quoise, ou sur le rose Pompadour, ou sur les œils-de-perdrix ».
Lit. — Du lit j’ai peu de chose à dire. Quatre pieds, un cadre et une
sangle, que le lit soit en ivoire, en métal ou en bois, qu’il supporte ou
non des colonnes et un dais, en Grèce et à Rome, jadis et aujourd’hui,
la forme essentielle n’a pas varié. C’est le meuble qui a subi le moins de
métamorphoses. Nous qui avons inventé tant de façons désagréables de
nous asseoir, sous prétexte de confortable, nous n’avons pas encore
découvert une nouvelle attitude pour dormir; mais il ne faut pas se
décourager.
M. Viollet-le-Duc a dit tout ce que l’on sait du lit au moyen âge.
A partir du xvie siècle, les documents deviennent plus nombreux et per-
mettent de jalonner la route avec assez de certitude. En général, le lit
de la Renaissance est peint d’azur et d’or, ouvré d’images et de mar-
queterie, ou complètement garni d’étoffe comme le lit de Castellazzo, sur
lequel M. le marquis d’Adda vient de donner ici même un travail si neuf
et si bien étudié. Le ciel rectangulaire est tantôt suspendu au plafond,
tantôt supporté par des colonnes ou des cariatides ; Ducerceau a gravé
plusieurs modèles de ce genre. Le musée de Cluny possède un fort beau
lit à quenouilles élégamment sculptées, attribué au règne de François I r,
bien qu’il appartienne à la fin du siècle. Dans l’inventaire de Catherine
de Médicis, les quenouilles des lits de deuil sont en jais ou en ébène
garni d’argent. Chaque lit avait son nom dérivant de la couleur de
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
Sous Louis XIV, les tables et consoles, « couvertes de marbres rares
et de mosaïque de pierre, sont charpentées en bois doré, à tabliers
découpés, ou les soleils, les lauriers et attributs se détachent sur les
fonds quadrillés à rosaces ; les entre-jambes à rinceaux se relèvent en
volutes portant des vases élégants. On peut voir de magnifiques échan-
tillons de cette fabrication dans la galerie d’Apollon, au Louvre». Mais
ces meubles, ainsi que les tables et les consoles en argent ciselées par
Claude Ballin, sont des objets de luxe, d’apparat. La vraie table de l’écri-
vain et de l’homme d’Etat, « la loyale et grande table accessible au
regard et voisine du cartonnier où se classaient les titres et les corres-
pondances », le Bureau par excellence est un produit de la Régence. Le
règne de Louis XVI a de même sa spécialité, la table à ouvrage et la con-
sole. Rien n’est élégant comme ces petits meubles « portés sur des pieds
délicats à cannelures légères, que rehaussent des cuivres sans pareils,
et où s’insèrent ici les camées de Wedgwood, là des plaques à sujets peints
à Sèvres, ailleurs de simples bouquets de la même porcelaine, encadrés
d’arabesques d’or en relief, ressortant sur fond bleu de roi ou bleu tur-
quoise, ou sur le rose Pompadour, ou sur les œils-de-perdrix ».
Lit. — Du lit j’ai peu de chose à dire. Quatre pieds, un cadre et une
sangle, que le lit soit en ivoire, en métal ou en bois, qu’il supporte ou
non des colonnes et un dais, en Grèce et à Rome, jadis et aujourd’hui,
la forme essentielle n’a pas varié. C’est le meuble qui a subi le moins de
métamorphoses. Nous qui avons inventé tant de façons désagréables de
nous asseoir, sous prétexte de confortable, nous n’avons pas encore
découvert une nouvelle attitude pour dormir; mais il ne faut pas se
décourager.
M. Viollet-le-Duc a dit tout ce que l’on sait du lit au moyen âge.
A partir du xvie siècle, les documents deviennent plus nombreux et per-
mettent de jalonner la route avec assez de certitude. En général, le lit
de la Renaissance est peint d’azur et d’or, ouvré d’images et de mar-
queterie, ou complètement garni d’étoffe comme le lit de Castellazzo, sur
lequel M. le marquis d’Adda vient de donner ici même un travail si neuf
et si bien étudié. Le ciel rectangulaire est tantôt suspendu au plafond,
tantôt supporté par des colonnes ou des cariatides ; Ducerceau a gravé
plusieurs modèles de ce genre. Le musée de Cluny possède un fort beau
lit à quenouilles élégamment sculptées, attribué au règne de François I r,
bien qu’il appartienne à la fin du siècle. Dans l’inventaire de Catherine
de Médicis, les quenouilles des lits de deuil sont en jais ou en ébène
garni d’argent. Chaque lit avait son nom dérivant de la couleur de