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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 15.1877

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Nr. 3
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Chantelou, Paul Fréart de; Lalanne, Ludovic [Hrsg.]: Journal du voyage du cavalier Bernin en France, [2]
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https://doi.org/10.11588/diglit.21844#0328

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316

GAZETTE DES BEAUX-ARTS,

M. Tiibeuf et M. de Bartillat1, ce même jour, sont venus le prier, de la
part de la Reine mère, de faire un dessin pour l’autel du Val-de-Grâce. II
leur a témoigné qu’il avait peur que cette prière ne fût par le mouvement du
directeur des religieuses qui lui en avait déjà parlé ; que pour ce sujet il
eût été bien aise d’en avoir un ordre par écrit. Je lui ai dit que ces messieurs
étaient l’un le surintendant de la maison, l’autre le trésorier de la maison de
la Reine, lesquels l’assuraient que c’était le désir de Sa Majesté. Il leur a dit
que, cela étant, il y penserait2.

Il a travaillé tout le jour au modèle de son buste. Le soir, nous sommes
allés à la promenade avec M. le Nonce et l’abbé Butti. Au sujet de la grande
attache qu’il a au travail, M. le Nonce lui a demandé s’il avait bien fait cent
figures de marbre dans sa vie3 4 5. Il lui a répondu que Michel-Ange qui a vécu
quatre-vingt-douze ans n’en a fait que neuf ou dix dont il y en a quelques-
unes imparfaites. Il a dit qu’il était grand sculpteur et peintre, mais un divin
architecte, d’autant que l’architecture consiste tout en dessin ; que dans la
sculpture et dans la peinture, il n’avait pas eu le talent de faire paraître les
figures de chair, qu’elles n’étaient belles et considérables que pour l’anatomie.
J’ai dit que dans les femmes mêmes, il faisait paraître des muscles, comme
l’on voit dans cette figure de la Nuit, qui est à Florence, et qui a tant été
chantée. Il a, sur cela, rapporté des vers faits pour la louer, du vivant de
Michel-Ange, qui y répondit lui-même au nom de la Nuit.

La Notte che tu vedi in si dolci atti

Dormir, fù da un Angelo scolpita.

In questo sasso ; et, perche dorme, ha vita.

Destala, se noT credi, et parleratih

RIPOSTA DI MICHEL-ANGELO IN PERSONA DELLA NOTTE.

Grato m’è il sonno, et più d’esser di sasso,

Mentre ch’il danno et la vergogna dura.

Non veder, non sentir, m’è gran ventura;

Perô non mi destar; deh! parla basso3.

Ces vers furent faits pendant que la République de Florence était dans
l’oppression et auparavant que les grands-ducs s’en fussent rendus maîtres.

Continuant à parler de Michel-Ange et de ses ouvrages, le Cavalier a dit
qu’Annibal Carrache entrant un jour dans la Minerve 6 avec plusieurs de son
école, un d’eux, qui était Florentin et par conséquent grand louangeur de ses

1. Jeannot de Bertillat, trésorier général de la maison de la Reine.

2. Voyez dans Jal, p. 358, col. 2, une lettre de Chantelou à Colbert en date du 26 juin.

3. Le catalogue détaille des œuvres de sculpture de Bernin, placé à la fin de l’ouvrage de
Baldinucci, se résume par les chiffres suivants : 34 bustes en marbre, 1 en argent, 3 en bronze,
43 statues ou groupes en marbre, 14 statues de bronze; total 95.

4. « La Nuit que tu vois dormir en si douce attitude, fut sculptée dans cette pierre par un
Ange; et elle est vivante, car elle dort. Réveille-la, si tu ne le crois pas, et elle te parlera. »

5. Réponse de Michel-Ange au nom de la Nuit : « Il m’est doux de dormir et encore plus
d’être de pierre, pendant que durent le dommage et la honte. Ce m’est un grand bonheur de
ne pas voir et de ne pas entendre. Ainsi ne me réveille pas; de grâce, parle bas. »

6. L’église de la Minerve à Rome.
 
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