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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 15.1877

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Nr. 4
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Champfleury: Henry Monnier
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https://doi.org/10.11588/diglit.21844#0382

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368

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

armés du désir de se venger et portant un canif à leur jarretière.

La paresse est si grande dans certaines de ces administrations,
enviées par l’Europe, dit-on, qu’il serait possible le matin de tendre
autour de la plupart des pupitres une toile d’araignée sans qu’elle soit
rompue le soir. Après les combats à coups d’épingle la torpeur renaît de
plus belle, et on pourrait peser le travail de la plupart des employés dans
une balance faite de coquilles de noix.

Le bavardage règne en maître dans les bureaux ; le « potin » y est
élevé à la hauteur d’une institution ; l’étude approfondie et incessante
des collègues s’y fait par des Lavater remplis de mauvaises intentions;
la pèse des âmes s’y pratique journellement, comme en Égypte, et nul
n’y échappe, depuis le ministre jusqu’au garçon de bureau.

Cette vie, qui consiste à recueillir des grains de sable et à en étu-
dier la forme, ce triage de grains
de millet, ce ratissage quotidien des
mêmes navets ont pour conséquence
de donner aux êtres employés à
cette besogne des allures et des phy-
sionomies d’un ordre tout à fait par-
ticulier ; la fainéantise, jointe à l’as-
servissement commandé par une
hiérarchie inflexible, produit un hé-
bêtement ahuri, enlève toute initia-
tive et détruit tout principe d’acti-
vité chez ces tardigrades qu’il ne
faut pas comparer à la taupe, dans
la crainte de rabaisser cet animal.

Et c’était Henry Monnier qui, de son chef, avait choisi l’adminis-
tration pour y exercer ses facultés! Précieuse ignorance de la jeunesse,
mais singulière condescendance du père. Rarement l’artiste s’est plaint
des hommes; cette fois l’administration avait rempli le vase de lie, et,
quoique l’écrivain n’en dise que quelques mots dans son autobiographie,
ces mots sont suffisants : — « Entré à une époque où toutes les issues
étaient ouvertes, on tenait aux belles mains, aussi ma belle main fut-elle
la cause de mon admission et celle de ma sortie. Jamais on ne m’eût
fait passer à un emploi supérieur, toujours par cette même raison que
les belles mains devenaient de plus en plus rares1. 4

4. Henry Monnier possédait une écriture très-correcte; elle ressemblait à son talent
de dessinateur. Jusqu’à la fin de sa vie et même dans l’état de gêne où la maladie tenait
l’artiste, cette calligraphie conserva sa droiture et sa précision.
 
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