Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art (2.Pér. 29.1884)

BIBLIOGRAPHIE.

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II. — Histoire des Romains, par Victor Duruy. Tome VI : De l’avénement de
Commode à la mort de Dioclétien ; illustré de 500 gravures d’après l’an-
tique, et de planches en couleurs. Paris, Hachette; i vol. in-8° jésus.

Il a été si souvent question ici de cette importante publication qu’il nous est peut-
être permis de lui consacrer seulement une notice rapide. L’époque visée par M. Duruy
dans le volume de cette année est une des plus dramatiques de l’histoire; le vieux
monde va s’écrouler et faire place à un monde nouveau qui s’efforcera de détruire la
civilisation si chèrement acquise par ses devanciers. L’anarchie impériale laissera
l’empire sans défense ; le christianisme naissant et les invasions des barbares lui
porteront les derniers coups. Puis, la nuit succédera au jour, une nuit de mille ans,
pendant laquelle la pensée humaine sera condamnée au silence ; tous les peuples re-
tomberont en enfance. L’art subira la loi commune ; les monuments du passé vont
disparaître dans la tourmente ; on se reprendra à bégayer comme aux origines du
monde. On voit aisément venir dans le livre de M. Duruy cette décadence prochaine
de l’esprit humain appliquée aux choses de Part; les nombreuses gravures dont il
est illustré mettent sous les yeux du lecteur des exemples parlants, qui peuvent
d’autant plus se passer de commentaires que l’on y remarque aussi quantité de mo-
numents où la grandeur du passé laisse encore son empreinte. Parmi les meilleures
illustrations, nous devons mentionner des bustes d’empereurs gravés sur bois et
quelques chromolithographies où sont représentés des objets importants, tels que le
Trésor de Tarse, la Patène de Rennes et le Vase de Portland.

III. — Mireille, poème provençal par Frédéric Mistral; traduction française
de l’auteur accompagnée du texte original. Paris, Hachette; 1 vol. in-4°
orné de 25 eaux-fortes dessinées et gravées par E. Burnand et de
53 dessins du même artiste dans le texte. Tirage noir et rouge.

Ceci est un beau livre, un livre d’amateur et en môme temps une édition digne
du célèbre poème de Frédéric Mistral. Les félibres vont tressaillir d’aise : l’heure delà
justice a enfin sonné pour le chef-d’œuvre littéraire de la Provence. Les amours de
Mireille et de Vincent, popularisées par la musique deGounod, n’étaient guère connues
que des lettrés dans la forme poétique si touchante et si gracieuse imaginée par
F. Mistral; tout le monde Voudra les connaître aujourd’hui, soit dans le texte original,
soit dans la traduction française que le poète lui-même a donnée de ses vers.

Nous avons déjà eu l’occasion de parler des eaux-fortes de M. Burnand qui accom-
pagnent cette magnifique édition; elles ont figuré avec honneur au Salon de 1882 et
l’artiste a été récompensé d’une médaille par le jury. Ces compositions sont fort
remarquables; M. Burnand a respiré le même air que le poète ; il a navigué sur les
marais de la Crau et parcouru les vastes solitudes peuplées de troupeaux de bœufs
et de chevaux sauvages, qui font penser aux pampas de l’Amérique du Sud. Le paysage
grandiose de la Camargue l’a vivement impressionné; il en a tiré un parti excellent
pour encadrer les scènes principales du poème; on sent passer dans certaines
comme un souille de Mdlet; plus généralement, les silhouettes des personnages rappel-
lent par leur dessin robuste et étudié les superbes fusains qui, amant que sa peinture,
ont fait la réputation de M. Lhermitte. Comme ce jeune maître, M. Burnand s’efforce
de dégager un sentiment des études réalistes auxquelles il se livre; il y parvient le
plus souvent. Nous ne saurions faire un plus bel éloge de son talent : associer son
nom à ceux des artistes que nous venons de citer, c’est dire tout le cas que nous

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