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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 29.1884

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Nr. 4
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Michel, André: Exposition des dessins du siècle, 2
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https://doi.org/10.11588/diglit.24585#0332

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

les études de chevaux et de chats montrent avec quelle souplesse, quelle
sincérité et quelle noble ardeur il interrogeait la nature, et comme il arri-
vait à la grandeur sans rien sacrifier de l’humble vérité. — Il avait la
seconde vue qui, chez le véritable artiste, se charge d’ennoblir la réalité
sans préméditation, sans recette comme sans effort.

Près de là, deux études des Pêcheurs cle l’Adriatique montrent Léo-
pold Robert à la recherche de la meilleure composition pyramidale pour
son groupe central. Devant cette ébauche d’une œuvre qui devait être la
dernière et dans laquelle le pauvre artiste, déjà rempli des pensées de
la mort, déposa le suprême secret de sa mélancolie, on pense à ces
sombres grèves « d’où partent les navires et où reviennent les débris ». —
« Pourquoi tous ces gens-là ont-ils l’air si triste? » demandait le public...

Il faudrait s’arrêter devant les poétiques rêveries d’Ary Schcffer, ce
Cornélius élégiaque, ce peintre des âmes, « qui ont rencontré un corps et
s’en tirent comme elles peuvent »; — il faudrait parler des sépias roman-
tiques, espagnoles et gothiques de Devéria, des vignettes de Johannot,
des lentes caravanes de Decamps, découpant sur l’horizon embrasé leurs
brunes silhouettes, rapportant aux Philistins de Paris la légende de
l’Orient, dont on ne devait apprendre qu’un peu plus tard l’histoire ; il
faudrait même décrire les dessins à la plume où Victor Hugo fait appa-
raître, comme dans un décor évoqué, des architectures branlantes de
villes gothiques et de bourgs renfrognés,—pour suivre dans ses nuances,
surprendre dans sa libre et inégale facture et dans ses procédés voulus,
le romantisme militant. Une pareille étude demanderait plus de place et
de temps; bornons-nous aux chefs de file. Voici les deux grands antago-
nistes, Ingres et Delacroix.

Ingres figure ici avec tous ses avantages. « Non, non! pas mes des-
sins, on ne regarderait plus mes peintures! 1 » répondait-il aux amis qui
lui demandaient d’envoyer aussi ses crayons à l’exposition de 1855.
Comme on comprend bien ce cri devant l’incomparable série de ces por-
traits à la mine de plomb ! On ne saurait rendre de meilleur service à sa
mémoire que de proposer souvent cette partie de son œuvre à l’admira-
tion des générations nouvelles : c’est par là qu’il s’impose.

L’homme qui pouvait faire de telles choses est un grand maître, et
l’on peut, sur le seul examen de cette série de crayons, définir la nature,
mesurer l'étendue et pressentir les bornes de son génie. Un pareil dessin
se suffit à lui-même; il exprime d’une façon absolue, avec une perfection
définitive, l’idéal d’un artiste ; il satisfait à tous les besoins de la vision

t. Mot rapporté par Charles Blanc.
 
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