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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 17.1897

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Maulde la Clavière, Marie Alphonse Réne de: Le "Songe du Chevalier" par Raphael
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https://doi.org/10.11588/diglit.28018#0028

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22

GAZETTE DES BEAUX-ARTS

C'est à ce moment qu’on croit qu’il a dû peindre le gracieux
petit tableau exposé à la National Gallery sous le titre : Songe du
chevalier. L’attribution, qui, jusqu'à présent, n’avait fait de doute
pour personne, a été contestée dans ces derniers temps; mais si ce
tableau est de Raphaël, il doit évidemment dater de 1503 ou 1501.

On sait la donnée. Au pied d’un arbre élancé et très ombrien,
c’est-à-dire quelque peu idéal (un olivier ou un laurier), un tout
jeune homme en armure, étendu, sommeille, le coude gauche sur un
écu, la main droite sur son épée. Autour de lui, deux femmes: l’une,
très simplement vêtue et tirant sur la maturité, lui offre une épée et
un livre. Elle ne se lie pas à sa beauté; on pourrait même croire
qu’elle s’en défie, car elle se tient derrière le dormeur et se contente
de lui faire entendre sa voix. L’autre, au contraire, se présente de
face : élégante, gracieuse, de formes cambrées dont on devine aisé-
ment l’agréable structure, elle tend une fleur. Sans doute, d’un
coté apparaissent la raison, la vertu, le courage, l’étude^ toutes les
choses graves et modestes ; de l’autre, l'oisiveté plus ou moins
bruyante, la vie mondaine, les fleurs de la vie ; et le paysage lui-
même, pour moraliser cette allégorie transparente, nous montre, à
l’appui de la femme austère, un roc sourcilleux d’où un clocher aigu
s’élève vers le ciel, tandis que, du côté aimable, de douces et molles
prairies descendent vers des eaux qui s’enfuient.

Ce petit tableau, que tant de personnes ont vu et commenté, a
suscité des interprétations très variées. On l’a appelé Le Songe de
Saint Georges, je ne sais pourquoi. A la cour d'Urbin, Raphaël,
il est vrai, peignit pour Je duc, —qui, en sa qualité de chevalier de
l’ordre de la Jarretière, dont il était très fier, fêtait ponctuellement
la Saint Georges, — un petit saint Georges, et aussi un petit saint
Michel, probablement par allusion à l'ordre français de ce nom, que
le duc devait posséder ou tout au moins désirer. Mais nous ne saisis-
sons pas bien le lien qui pourrait rattacher ces peintures à celle
dont nous parlons ici; l’homme couché ne porte aucune trace de
sainteté, et la sollicitation même dont il est l’objet ne le place pas
d’emblée sur les autels.

D’autres critiques ont penché à voir ou même ont vu formellement
une traduction de la fable d’Hercule, placé entre le Vice et la Vertu.
Malheureusement, le beau jeune homme dort comme un cavalier qui
connaît la fatigue ; il n’a ni peau de lion, ni massue, rien de l’arsenal
encombrant d’Hercule ; l’armure, cela est visible, pèse à ses jeunes
membres élégants, gracieux, bien plus platoniciens qu’herculéens.
 
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