Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art (3. Pér. 17.1897)

LE CARTON ATTRIBUÉ A RAPHAËL

DU BRITISH MUSEUM

Il y a un peu plus de deux ans, le
British Muséum lit l’acquisition d’un car-
ton dessiné au crayon noir, et qui portait
des marques indiquant qu’il avait été fait
pour être reporté sur toile. Il était attribué
à Raphaël et représente la Vierge assise,
vue jusqu’aux genoux ; elle tient l’Enfant
debout, sa petite tète appuyée contre celle
de sa mère et, de son bras droit, étreignant sa poitrine. La compo-
sition en est exquise, d’une grande dignité de style et d’un charme
pénétrant. Le sentiment — cela est indéniable — en est raphaélesque
et les types comme les attitudes rappellent également le grand
peintre d’Urbin. C’est une traduction libre d’un ouvrage disparu du
maître, La Vierge avec l’Enfant debout, et iL est curieux qu’aucun
critique contemporain (de la vieille école, s’entend) n’ait conclu de
cette ressemblance que le dessin qui nous occupe était le carton qui
servit pour ce tableau. Quoi qu’il en soit, je ne sache pas que
personne Lait attribué à Raphaël, du moins depuis que l’acquisition
de cette œuvre par le British Muséum a attiré l’attention sur elle.
L’opinion presque unanime l’assigne à quelqu’un des successeurs de
Fra Bartolommeo et d’Andrea del Sarto qui, à l’occasion, s’inspirèrent
aussi de Raphaël. Les noms mis en avant ont été ceux de Puligo et
de Sogliani ; on a cité aussi ceux de Granacci et de Franciabigio.

Aucun de ces noms ne nous satisfait pleinement. Pour un œil
doué de quelque discernement, Franciabigio et Granacci n’ont jamais
été aussi raphaélesques ; Puligo et Sogliani n’ont jamais eu ce
charme et cette grâce. Assurément, la merveilleuse habileté du des-
sinateur, avec ses puissantes oppositions d’ombre et de lumière, rap-