Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art (3. Pér. 17.1897)

LA COLLECTION EDMOND BONNAFFÉ

A dire vrai, je ne sais trop s’il est bien utile de présenter aux
lecteurs de la Gazette et M. Edmond Bonnaffé et sa collection. L'un
et l’autre leur sont suffisamment connus : le premier, par ses nom-
breux travaux, auxquels le présent recueil donna l’hospitalité, à peu
près dès son origine ; la seconde, parce qu’elle fut, durant de longues
années, le lieu de réunion hebdomadaire de tous ceux qui, à Paris,
s’intéressaient au bibelot et à la curiosité. Ces jours-là, la coquette
maison de la rue de la Faisanderie, à demi cachée sous le feuillage,
prenait un air de fête. En présence du maître, on racontait la dernière
trou vaille, on se chuchotait un secre t , on traitait quelque point délicat
d’art ou d’archéologie, on discutait passionnément Oiron ou Saint-
Porchaire, on se bombarbait de textes et de monuments. Discussions
courtoises d’ailleurs, mais dont la vivacité témoignait de part et
d’autre de convictions robustes. Hélas ! toute chose a une fin et on
ne reverra plus ces réunions ; car si le maître subsiste, très vert et
ardent comme un jeune homme à soutenir ses opinions — j’en sais
quelque chose, — la collection va disparaître. C’est un morceau du
Tout-Paris du bibelot qui s’évanouit. N’ayant point été — loin de là
— un assidu de ces dimanches, je mentirais assurément si je disais
qu’ils me manqueront. Mais, néanmoins, en face de cette disparition
ou plutôt de ces disparitions successives, — car j’ai déjà assisté à pas
mal d’événements du même genre, — je me sens pris d’une certaine
mélancolie : sentiment égoïste, mais très humain, sur lequel je me
garderai d’insister. Bien autrement vive doit être la sensation qu’é-