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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 17.1897

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Nr. 1
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Lefort, Paul: Un portait de femme par Goya à la National Gallery
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https://doi.org/10.11588/diglit.28018#0080

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS

qu’il était, Goya savait ménager son temps et choisir son monde.
« Quiconque a à faire de moi — écrit-il, en août 1786, à son compa-
triote et ami Zapater — me doit chercher, et au cas que l’on me
joigne, je m’arrange de façon à me laisser longtemps prier. A moins
qu’il ne s’agisse de quelque grand personnage ou de céder à la prière
d’un ami, je ne montre d’empressement pour personne, et moins
j’en témoigne, plus on m'assiège...1» Et plus loin : « Je ne sais plus
où donner de la tête, ni comment remplir tant et tant d’engage-
ments acceptés et depuis si longtemps. » Ce que le madré Aragonais
conte là des obsessions dont il est l’objet n’est, du reste, que la
s 1 ri cto vérité : on le persécute, on force sa porte, on prend d’assaut
son atelier ; il n’est sorte de moyen d’influence ou de séduction
qu’on ne mette en œuvre pour obtenir de poser devant lui. Aussi
le nombre des portraits qu’il a faits est-il considérable et s’élève-
l-il à près de deux cents. On n’aura pas de peine à croire que
dans cet ensemble, s’il est beaucoup de bons morceaux, s’il se
trouve des chefs-d’œuvre, il se rencontre aussi quelques portraits
singulièrement sacrifiés; il est, par exemple, tel de ceux-ci que
l’artiste a improvisé en une seule et courte séance et brossé à la
diable, et, cette circonstance, il a parfois pris soin de la noter lui-
même par une inscription au revers de sa toile. Ce procédé d’exé-
cution sommaire, hâtif, mais qui, du moins, conserve à la couleur
tout son éclat et sa fraîcheur, plaît d’ailleurs particulièrement à
Goya. On sait, au surplus, que ce que son tempérament d’artiste
primesautier et fougueux s’est le mieux assimilé, et de préférence
parmi les manières de Velâzquez, c’a été la manière impression-
niste du grand maître, celle des Fileuses et du portrait du sculpteur
Martinez Montanès.

En doit-on conclure que les portraits ne sont peut-être pas la
meilleure part de son œuvre? 11 y aurait plus que de l'injustice à le
penser et il faudrait, de parti pris, méconnaître toutes les solides
qualités dont l’artiste a su, le plus souvent, faire preuve : simplicité,
harmonie, science accomplie dans l’emploi des colorations ; naturel
de la pose, de l’attitude, de l’expression physionomique chez ses
modèles; ajoutons enfin que si ses contemporains ne nous ont pas
trompés, Goya n’a pas seulement fidèlement traduit leur caractère
extérieur, mais encore leur personnalité intime. On sait d’ailleurs
quel profond et fin observateur était Goya.

i. Goya, Notas biograficas, por D. Francisco Zapater. Saragosse, 18G8.
 
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