ERNEST HÉBERT
185
Paysanne de Guérande battant son beurre. Ce que les amateurs
remarquèrent dans ces divers essais, c’est le soin extrême avec lequel
le peintre y poursuivait la recherche délicate du sentiment poétique
et de l’exécution pittoresque. L’un des maîtres expérimentés qui
s’étaient le plus vivement intéressés aux débuts du jeune Romain
était Jules Dupré. Ce n’est jamais sans des accents émus, sans des
mots de tendre et profonde reconnaissance, que M. Hébert parle
encore aujourd’hui du grand paysagiste, plus âgé de cinq ans, avec
lequel il se trouva, du premier coup, passionnément et heureuse-
ment uni par un amour commun de l’expression grave des beau-
tés naturelles et de la perfection intime et réfléchie de l’exécution
technique. Les conseils de Jules Dupré lui furent, en effet,
décisifs. L’homme des champs, accoutumé à voir les formes, immo-
biles ou animées, dans leur milieu réel, toujours enveloppées,
assouplies et nuancées par l’éternel combat et l’éternelle mêlée de
la clarté et de l’ombre, n’eut pas de peine à prouver au trop fidèle
élève de Delaroche et de Schnetz que ses figures, précises et nettes,
mais sèches et plates, ne prendraient toute leur valeur natu-
relle et émouvante, que lorsqu’il leur aurait associé, avec la même
force de naturel et d’émotion, le paysage environnant. En quelques
mots vifs, rapides, saisissants, Jules Dupré lui avait prouvé la
nécessité et la puissance de l'accord expressif des colorations, et
comment la vie peut être communiquée à toutes les formes, même
les plus calmes en apparence, par les jeux infinis et bien observés de
la lumière. « Ce fut pour moi, dit M. Hébert, après la révélation de
la beauté, en Italie, par l’art antique cl par la race indigène, le
second coup de foudre qui m’éclaira. » La Malaria, reprise encore
une fois et achevée après cette conversation, fut envoyée au Salon
de 1850.
GEORGES LAFENESTKE
(La suite prochainement)
xvn. — 3e pÉiuode.
24
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Paysanne de Guérande battant son beurre. Ce que les amateurs
remarquèrent dans ces divers essais, c’est le soin extrême avec lequel
le peintre y poursuivait la recherche délicate du sentiment poétique
et de l’exécution pittoresque. L’un des maîtres expérimentés qui
s’étaient le plus vivement intéressés aux débuts du jeune Romain
était Jules Dupré. Ce n’est jamais sans des accents émus, sans des
mots de tendre et profonde reconnaissance, que M. Hébert parle
encore aujourd’hui du grand paysagiste, plus âgé de cinq ans, avec
lequel il se trouva, du premier coup, passionnément et heureuse-
ment uni par un amour commun de l’expression grave des beau-
tés naturelles et de la perfection intime et réfléchie de l’exécution
technique. Les conseils de Jules Dupré lui furent, en effet,
décisifs. L’homme des champs, accoutumé à voir les formes, immo-
biles ou animées, dans leur milieu réel, toujours enveloppées,
assouplies et nuancées par l’éternel combat et l’éternelle mêlée de
la clarté et de l’ombre, n’eut pas de peine à prouver au trop fidèle
élève de Delaroche et de Schnetz que ses figures, précises et nettes,
mais sèches et plates, ne prendraient toute leur valeur natu-
relle et émouvante, que lorsqu’il leur aurait associé, avec la même
force de naturel et d’émotion, le paysage environnant. En quelques
mots vifs, rapides, saisissants, Jules Dupré lui avait prouvé la
nécessité et la puissance de l'accord expressif des colorations, et
comment la vie peut être communiquée à toutes les formes, même
les plus calmes en apparence, par les jeux infinis et bien observés de
la lumière. « Ce fut pour moi, dit M. Hébert, après la révélation de
la beauté, en Italie, par l’art antique cl par la race indigène, le
second coup de foudre qui m’éclaira. » La Malaria, reprise encore
une fois et achevée après cette conversation, fut envoyée au Salon
de 1850.
GEORGES LAFENESTKE
(La suite prochainement)
xvn. — 3e pÉiuode.
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